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À TRAVERS NOS ÉCOLES
(NOTES D’UN INSPECTEUR)




C’était aujourd’hui cours d’histoire littérature en troisième année à l’école normale de X… J’ai assisté à la leçon ; elle traitait de Beaumarchais. En sortant, je cause — un peu à bâtons rompus, comme l’on cause — avec le maître, un maître encore jeune.

« Vous nous avez fait, Monsieur, une bien bonne biographie de Beaumarchais : sans doute, la matière prêtait ; mais vous avez su en tirer parti. Vos élèves vous ont écouté avec plaisir et moi avec eux… Mais pourquoi cette biographie a-t-elle été toute votre leçon ou à peu près ? Vous avez nommé le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro : c’est vrai. Vous avez à propos de l’une et de l’autre de ces pièces conté des anecdotes intéressantes ; je le reconnais encore : mais des pièces elles-mêmes, vous avez dit peu de chose ; du talent de l’auteur, de son genre particulier de talent, rien… La faute, me répondez-vous, en est à cette biographie si riche en détails ; elle vous a pris trop de temps, si bien qu’ensuite il ne vous en est plus resté assez. Affaire d’entraînement, selon vous ! Alors, à l’avenir, défiez-vous de vous-même. Resserrez plutôt la partie biographique et anecdotique ; vous le pouvez sans grands inconvénients ; cela se trouve un peu partout. Réservez-vous pour la partie importante, capitale, la seule qui mérite de s’appeler vraiment littéraire, celle qui a pour objet de faire connaître et comprendre l’œuvre, et par l’œuvre l’auteur : tâche délicate ! Elle exige votre action directe. Il s’agit d’ouvrir de jeunes esprits, de les conduire ! N’est-ce pas proprement votre office ? La parole y vaut mieux que le livre ; le livre dit et passe ; la parole insiste quand il est nécessaire, suit le mouvement des intelligences, s’adapte, se proportionne ; elle s’insinue, se fait écouter, provoque l’un, puis l’autre, met en train, excite…