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CONFÉRENCES PÉDAGOGIQUES DES INSTITUTEURS ALLEMANDS

à l’école sur un même banc jusqu’à l’âge de douze ans : si les enfants s’habituaient à cette idée que ce n’est pas l’habit, mais le savoir et le caractère qui font l’homme ; si les enfants riches avaient appris à avoir des égards pour les pauvres et ceux-ci à apprécier les riches, on ne verrait pas éclater la haine des pauvres contre les riches, après que les jeunes gens se seraient séparés selon leurs diverses carrières. » (Duisburg, 1879.)

C’est qu’en effet les institutions scolaires allemandes n’ont pas le caractère démocratique des nôtres. Nos écoles primaires supérieures, nos collèges, nos lycées sont accessibles à tous, puisque des bourses peuvent être accordées aux enfants sans fortune ; dans nos écoles, tous les élèves vivent sur le pied de la plus parfaite égalité, et cela, sans qu’il soit nécessaire d’exercer sur eux aucune contrainte. Dans les écoles françaises, de quelque ordre qu’elles soient, il n’y a ni riches ni pauvres, mais simplement des condisciples. Les Allemands ont encore beaucoup à faire pour en arriver au même point.

Dans la même conférence de Duisburg, les instituteurs, poursuivant l’examen des questions sociales, continuent ainsi :

« Parmi les matières enseignées aux filles, le travail manuel mérite une attention toute particulière. Si l’enseignement du travail manuel ne commence pas dans les classes inférieures et s’il n’est pas continué assidûment pendant toute la durée des études, les élèves n’acquièrent pas toute l’habileté nécessaire pour surmonter les principales difficultés ; elles n’arrivent pas à aimer le travail, de manière à le continuer librement après avoir quitté l’école. Le goût pour le travail manuel exerce une influence considérable sur le sentiment de l’ordre, de la propreté et de l’économie. Les enfants malpropres et couverts de haillons viennent de familles dans lesquelles la mère ne connaît pas le travail manuel, de familles dont la demeure est si peu agréable, si répugnante même, que le père, ne pouvant s’y plaire, prend l’habitude de l’auberge. Il est facile de comprendre d’ailleurs que le gain est insuffisant dans la famille, en supposant même que le mari ne soit ni buveur ni joueur, si les habits ne sont pas réparés à temps ; car, dans ce cas, de nouvelles acquisitions sont fréquemment nécessaires. »

Nous reviendrons sur le travail manuel à propos de l’enseignement ; ici nous le considérons exclusivement au point de vue de son influence dans la famille. On est malheureusement trop porté, principalement dans les écoles de filles, à ne considérer le travail manuel que comme un but et à oublier la haute portée morale de cet enseignement. Aux réflexions des instituteurs, nous pourrions ajouter que l’enseignement du travail manuel est également indispensable pour les jeunes filles qui se trouvent dans une situation aisée ; il sera pour elles, plus tard, une utile distraction ; en leur créant une occupation agréable, il leur fera aimer davantage la vie de famille et les préservera de bien des dangers.