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REVUE PÉDAGOGIQUE

ou judiciaires, toutes les fois qu’il s’agira de juger des faits relatifs à l’emploi abusif des châtiments corporels. (Brême, 1882.)

Il est à remarquer que pour les Allemands les châtiments corporels ne constituent pas un simple moyen disciplinaire, dans le sens étroit que l’on donne parfois à ce terme, mais bien un procédé d’éducation, puisqu’ils ont la prétention de les faire servir à l’amélioration des élèves. En France, on ne discute même plus cette question. Aussi nous contenterons-nous de faire quelques remarques. Les instituteurs allemands se plaignent de « la brutalité et de l’immoralité toujours croissantes de la jeunesse ». Est-ce bien le bâton qui adoucira les habitudes de leurs élèves, qui réformera leurs mœurs ? L’éducation par le bâton ne se terminera pas d’ailleurs à la sortie de l’école : les jeunes gens y seront également soumis pendant la”durée de leur service militaire ; traités avec brutalité, ils traiteront de même plus tard leurs enfants. Si nous nous plaçons au point de vue du maître, nous verrons facilement que l’interdiction absolue de frapper les enfants, plus conforme à sa dignité, l’est davantage aussi à son intérêt. Si le maître est autorisé à employer les peines corporelles, il n’y a aucune prescription réglementaire qui puisse l’empêcher, dans un moment de colère ou par maladresse, de commettre des excès ; il est donc sans cesse exposé à des poursuites de nature à briser sa carrière.

Les instituteurs nous semblent avoir été mieux inspirés dans leurs discussions relatives aux questions sociales. Les partis rétrogrades accusent l’école primaire allemande de conduire au socialisme : ils réprouvent surtout l’école primaire commune (die allgemeine Volksschule), c’est-à-dire l’école qui recevrait indistinctement tous les enfants au-dessous de dix ou douze ans, quelle que fût la condition sociale de leurs parents. « On ne peut admettre, dit un journal pédagogique cité par le Dr Dittes au congrès de 1883, que le futur magistrat s’assoie sur les bancs de l’école près de celui qui plus tard sera un simple journalier. » Cette opinion s’est fait jour depuis longtemps déjà. Voyons comment les instituteurs y répondent.

« Les sentiments de haine qui existent entre les diverses classes de la société ont leur source dans nos institutions scolaires. À partir de leur sixième année, les enfants se divisent non d’après leur capacité et leurs besoins, mais d’après la fortune de leurs parents ; et les enfants des prolétaires, excités en cela par leurs familles, regardent d’un œil d’envie les élèves des écoles supérieures[1]. Si l’école primaire commune était une réalité ; si l’enfant dont le père occupe une position élevée et celui dont les parents sont au dernier degré de l’échelle sociale, si le riche et le pauvre prenaient place

  1. Il faut entendre par là non seulement les écoles supérieures proprement dites, mais les école : préparatoires aux écoles supérieures, fréquentées par les enfants des familles aisées.