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À TRAVERS LES ÉCOLES

là de la place qu’il faut accorder dans nos cours d’histoire littéraire aux écrivains des origines de la langue, à ceux dont les élèves ne peuvent lire le texte, avec qui ils ne sauraient entrer directement en communication. Savoir comment la langue s’est faite, par quelles étapes elle a passé, est sans doute une étude intéressante, mais qui ne s’accorde guère avec le temps dont ils disposent et le tour qui doit être donné à leur instruction. Savoir ce qu’est la langue d’aujourd’hui, celle dont ils ont besoin de se servir, voilà ce qui leur importe avant tout ; ils l’apprendront avec ceux qui s’en sont le mieux servis ; c’est avec ceux-là qu’avant tout il faut les faire vivre.

En somme, il n’y a d’études littéraires dignes qu’on s’y arrête et vraiment bonnes à l’esprit que celles qui mettent l’élève en contact avec les œuvres mêmes.

Un excellent exercice consiste, un morceau de poésie étant lu, à demander à un élève le vers qui l’a le plus frappé, à poser la même question à un second, à un troisième élève, etc. Le maître se tait, réserve son opinion. Et toute la classe de chercher, toutes les intelligences d’entrer en travail. — Excellent exercice, ai-je dit, mais à la condition d’être bien conduit. Il ne faut pas laisser les élèves s’égarer à force de chercher et de s’ingénier. Si le premier ou le second est tombé juste, il suffit de demander aux suivants : Êtes-vous de l’avis du premier ou de l’avis du second ? — Il ne faudrait pas non plus se montrer exclusif ; il peut, il doit se faire que le morceau renferme plusieurs vers dignes d’être relevés. La diversité des opinions a même son intérêt pour le maître ; elle le renseigne sur le tour d’esprit des uns et des autres ; celui-ci préfère la pensée exprimée avec netteté, précision, voire avec quelque sécheresse. Celui-là va droit à l’image, même un peu vague et flottante, pourvu qu’elle chatoie. — N’exigez pas d’abord de vos élèves, surtout s’ils sont jeunes, qu’ils vous donnent les raisons de leur préférence : raisonner de ces choses n’est point si facile ; c’est déjà beaucoup que d’avoir par la pratique formé leur tact, assuré et aiguisé leur discernement. Je ne serais pas mécontent