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sont le plus souvent paresseux et incapables, parce qu’ils sont mal payés ; les écoles ne sont pas suivies exactement ; l’enseignement s’y réduit à fort peu de chose. Aussi quels en sont les résultats ?

Dire quelle était, en 1789, la proportion des illettrés, nous devons y renoncer. Les cahiers fournissent cependant quelques renseignements qui ne sont pas sans intérêt et qui concordent parfaitement avec ceux qu’on trouve, à une époque un peu plus reculée, dans les rapports et dans les correspondances des intendants.

Beaucoup de cahiers ne portent aucune signature. Plusieurs ont celle d’un greffier ou de quelque autre personne qui répond de leur authenticité. Mais il en est qui se terminent par une liste de noms, et parmi ceux-là un certain nombre contiennent la mention : « Ont signé ceux qui ont su, les autres non », ou quelque chose d’approchant.

Que cette mention se rencontre fréquemment dans les cahiers des paroisses ou des communautés rurales, nous n’en sommes pas surpris… Mais voici ce que nous n’aurions peut-être pas soupçonné. On sait que les électeurs du premier degré choisissaient des députés chargés de les représenter au chef-lieu du bailliage et de rédiger un cahier général résumant les cahiers particuliers. On pourrait croire que tous les députés ainsi élus étaient au moins capables d’écrire leur nom : il n’en est rien. »

Et M. Champion le montre par un grand nombre d’exemples.

Aussi plusieurs fois, à l’Assemblée constituante, les orateurs rappellent-ils, sans rencontrer de contradicteurs, que « le plus grand nombre des paysans ne sait ni lire ni écrire ».

M. Champion cite, entre autres, un passage d’un discours de Dupont de Nemours, du 24 septembre 1789. « Presque tout est à refaire dans l’éducation, disait Dupont de Nemours. Nous savons tous que le système de l’éducation publique est tout à fait mauvais. Nous savons, quant aux collèges, combien l’enseignement y est pédantesque, chargé de mots, vide de choses, dénué de connaissances utiles à la société, et que nous sommes presque entièrement privés de livres véritablement classiques. Il y a une multitude d’établissements à faire depuis les simples écoles de campagne jusqu’aux universités. Il faudra à ces institutions un autre plan, d’autres vues, d’autres moyens… Il y aura à créer l’instruction du pauvre, celle des citoyens aisés n’exige qu’un changement de système et de livres. »

On ne saurait, dit M. Champion en terminant, résumer avec plus d’exactitude les textes qu’il a eus sous les yeux et dont il donne l’analyse.


Boileau, Œuvres choisies, édition publiée sous la direction de Henri Regnier, ancien élève de l’école normale supérieure, 1 vol. in-8o, illustré, 1884, Hachette et Cie, Bibliothèque des écoles et des