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L’INSTRUCTION PRIMAIRE EN CORSE

avancer ou se soutenir. Quant aux institutrices, elles sont très faibles ; je mets à part quelques exceptions tout à fait honorables, dues à une intelligence toute particulière et à une aptitude très prononcée.

On cherche aujourd’hui à donner une direction aux maîtres ; des conférences pédagogiques ont été instituées ; je regrette que leur nombre et leur date n’aient rien d’assez précis : on les fait quand on peut, me disait un inspecteur primaire ; une école normale d’institutrices a été fondée ; enfin, comme je le mentionnais plus haut, on s’efforce de donner sa véritable valeur au diplôme qui ouvre l’entrée de la carrière : il est donc permis d’espérer en l’avenir.

Mais ne nous faisons pas illusion. Il y a déjà longtemps un vice-recteur nouvellement débarqué prononçait ces confiantes paroles : « J’ai donné des ordres ; dans trois mois on ne parlera plus que français en Corse. » Les trois mois sont passés depuis bien des années et je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas quelque part des écoles où l’on parle plus volontiers corse que français. Plus d’un parmi les maîtres avec qui j’ai causé m’a paru manier notre langue avec un certain embarras ; le si italien revenait plus volontiers dans le discours que le oui français. Ne nous pavons pas de déclarations retentissantes. Nous savons aujourd’hui que, pour atteindre un résultat du genre. de celui dont nous parlons ici, à savoir : faire une place à un idiome nouveau à côté d’un idiome ancien, depuis longtemps en possession d’un peuple, il ne suffit pas d’un mot parti de haut et jeté sur le ton du commandement ou de la menace ; il faut chez celui qui a parlé et chez ses collaborateurs beaucoup de soin et d’attention, une vigilance soutenue, et, même avec tout cela, du temps.

Dans beaucoup d’écoles l’arithmétique est à l’état rudimentaire : on sait un peu de géographie, point d’histoire ; çà et là quelques essais de dessin ; point de musique ; l’instruction civique — là où on ne la confond pas avec l’instruction civile ou notions de civilité[1] — se fait par le livre. Beaucoup d’ardeur chez les

  1. J’avais demandé à une institutrice si elle faisait un cours d’instruction civique ; elle me répondit affirmativement. « Et de quel ouvrage vous servez--