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LES PETITES ÉCOLES DE PORT-ROYAL

qu’après la charité qui nous met dans la disposition de mourir pour nos frères, celle-ci était la plus grande ; qu’à la mort, une des plus grandes consolations que nous pouvions avoir était si nous avions contribué à la bonne éducation de quelque enfant ; et qu’enfin cet emploi suffit seul pour sanctifier une âme, pourvu qu’on s’en acquitte avec charité et patience[1] ». Malgré les apparences, ce n’était donc point là à ses yeux un petit emploi ; au contraire, il n’y avait pas pour lui de profession plus haute ni plus digne de l’application des hommes les plus distingués : aussi y employa-t-il les uns et les autres en toute occasion, sans que les plus considérables crussent avoir le droit de s’en plaindre. Remerciant un jour M. Le Maître de la bonté avec laquelle il avait bien voulu se charger de l’éducation du petit d’Andilly et du petit Saint-Ange, il lui demande pardon de la liberté qu’il a prise de lui faire cette proposition. « Je ne l’ai fait, lui dit-il, qu’après les grandes assurances qu’on m’a données de votre bonne volonté en ce point. » Mais il est loin de regarder cette occupation comme au-dessous de M. Le Maître. « Pour la chose en soi, ajoute-t-il, il me suffit de dire que vous ne sauriez plus mériter de Dieu qu’en travaillant pour bien élever des enfants. » Quand Arnauld se fut mis sous sa conduite, il lui proposa de prendre soin d’un jeune marquis qui témoignait vouloir se retirer du monde. Plus tard, ce même Arnauld, docteur en Sorbonne, forcé de se cacher pour échapper aux poursuites dont il était l’objet, se charge d’instruire un enfant dans la maison où il a trouvé un refuge. Cet enfant avait une douzaine d’années et ne savait pas lire ; Arnauld veut essayer s’il pourra le lui apprendre par la méthode de M. Pascal, et il écrit à la mère Angélique de Saint-Jean pour la prier d’achever ce qu’elle a commencé d’en mettre par écrit et de le lui envoyer. Saint-Cyran, du reste, avait commencé par prêcher d’exemple, ramassant tous les enfants qu’il rencontrait et chez lesquels il voyait de bonnes dispositions, les instruisant lui-même, se rabaissant souvent, dans sa prison, jusqu’à jouer avec eux à la balle sur une table, les suivant plus tard dans la vie et les dirigeant, tant qu’il ne croyait pas avoir assuré leur salut. M. de Saci, devenu le directeur de

  1. Mémoires de Lancelot.