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CHRONIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN FRANCE

c’était à la fois la conscience scrupuleuse du savant, la sagacité du pédagogue et l’ardeur passionnée du patriote qui semblait toujours voir clairement, par-dessus les têtes des petits enfants, l’image de la France et de la République nous demandant des citoyens pour l’avenir. Un jour, le comité s’était préoccupé de la question des leçons de choses ; on avait lu tout ce qui a été écrit de meilleur à ce sujet, et l’on n’était pus encore satisfait. M. de Bagnaux entreprit de rédiger lui-mème quelques modèles de leçons de choses, et dans les séances suivantes il lut son travail, en fit lui-même la critique, recommença, puis se corrigea encore et remporta son manuscrit pour le refaire. À un certain moment, nous nous regardions tandis qu’il lisait, et nous ne pouvions nous empêcher d’être tous émus en voyant un tel maître s’accuser toujours de rester au-dessous de sa lâche, retoucher son œuvre pour la mettre tout-à-fait à la portée de l’enfance, et se reprocher encore de n’y pas arriver à son gré. Comme nous aurions voulu rendre témoin de tant de modestie, de tant de sincérité et de sévérité envers soi-même tous ceux qui entreprennent d’écrire pour le jeune âge ! ils auraient senti là, comme nous le sentions, ce que c’est que le respect de la vérité et le respect de l’enfance.

Malgré le soin qu’il mettait à se tenir à l’écart, fuyant les honneurs comme d’autres les recherchent, il était impossible qu’un collaborateur si précieux pour toutes les œuvres d’éducation libérale ne fût pas un des premiers à qui l’on ferait appel au moment de la rénovation de l’instruction publique dans notre pays. Aussi, dès que la République fut sortie des étreintes de l’ordre moral, M. de Bagnaux devint-il en quelque sorte un des conseillers intimes et permanents du ministère de l’instruction publique. Lors de l’Exposition de 1818, M. Bardoux et M. Casimir Périer lui demandèrent un concours qu’il ne refusait jamais pourvu qu’il n’entraînât pour lui, aucune distinction extérieure. Il fut À ce qu’il avait été à l’École Monge, ce qu’il fut partout, homme du travail et de l’étude, l’esprit critique et lumineux, l’observateur infatigable. À la fin de l’Exposition il entreprit avec quelques-uns de ses collègues de rechercher patiemment, dans toutes les expositions scolaires françaises et étrangères, les meilleurs travaux d’instituteurs et d’élèves, et