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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

Or pour arriver à ce résultat, quelle est proprement la part à faire aux connaissances ?

Assurément Mme Necker sacrifice trop les connaissances à l’esprit. Pour être instruite, une femme n’est pas nécessairement exposée à devenir une femme savante. Si la pédanterie est un ridicule, parfois un vice, le savoir approprié est pour l’intelligence une force et souvent pour le cœur un auxiliaire de la vertu. Mais, cette réserve bien établie, Mme Necker fait preuve de sagesse, lorsqu’elle craint qu’on ne sacrifie l’esprit aux connaissances. C’est le défaut de l’éducation moderne. Et, sans compter qu’une fois la mesure dépassée, on obtient d’autant moins qu’on exige davantage, on peut craindre que cette surcharge de science ne brise ou ne détende les ressorts qu’on se propose de fortifier. Le mal n’a rien qui nous soit propre. Il est l’effet universel du développement de la civilisition, effet d’autant plus redoutable que, à mesure que les programmes s’étendent, la période d’application qu’on leur consacre se restreint. L’enfant a de moins en moins de temps pour apprendre de plus en plus de choses. Si le danger qui en résulte est à prévenir pour les garçons, à plus forte raison y a-t-il lieu d’en préserver les filles, qui n’ont ni le même tempérament[1], ni les mêmes devoirs, ni les mêmes besoins. C’est pour elles surtout que l’éducation doit être une œuvre de choix. Par là, nous n’entendons pas, est-il besoin de le dire ? supprimer de leurs études l’effort, qui seul est fécond ; nous voudrions le mieux utiliser en le concentrant davantage. Encore moins s’agit-il de faire pour les filles une science moins précise, une science à leur usage, ad usum puellarum, mais seulement de leur rendre la science, la vraie science, plus accessible et plus assimilable, en la dégageant de tout ce qui n’est pas indispensable à l’éducation de l’esprit. Bien du détail de menu savoir et de menus faits peut leur être épargné. Elles n’ont que faire des curiosités[2]. Ce que nous voudrions pour elles, en un mot, c’est un enseignement sobre, bien dépouillé, pour ainsi dire, un

  1. Voir l’Éducation physique des jeunes filles ou Avis aux mères sur l’art de diriger leur santé et leur développement, par J.-B. Fonssagrives, professeur d’hygiène à la faculté de Montpellier.
  2. « En France, disait une femme qui s’y connaissait (Mme de Girardin), toutes les femmes, sauf les bas-bleus, ont de l’esprit. »