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soit le prix, toujours assurément fort estimable, c’est l’esprit même que ce savoir a contribué à former. Le premier souci d’une éducation bien dirigée doit donc être d’assurer à la jeune fille cette haute culture morale qui crée la personnalité humaine ; de lui inculquer ce respect de la vérité, ce goût de la sincérité, qui font la probité de l’intelligence et du cœur ; de lui constituer enfin, comme la plus précieuse des dots que l’instruction puisse donner, ce qu’on appelle familièrement un bon jugement, capable, dans les conjonctures graves ou délicates, de se résoudre vite et bien. « Instruire un enfant, dit Mme Necker, c’est le construire en dedans, le faire devenir un homme. » Les filles, à cet égard, ont les mêmes titres que les garçons. C’est là que se retrouve la véritable égalité de la femme avec l’homme, l’égalité morale, celle que l’antiquité païenne a reconnue, en termes souvent saisissants de justesse et de grâce, par la bouche de Plutarque[1], de Sénèque[2] et de Musonius[3], celle que les Pères de l’Église ont travaillé à faire passer dans les mœurs, celle que Fénelon et Rollin défendent avec tant de bon sens, celle que, de nos jours, ont éloquemment soutenue MM. Legouvé[4], de Gasparin[5], Jules Simon[6], la seule que revendiquent au fond les femmes, miss Hamilton et miss Edgeworth, comme Mme de Lambert et Mme Guizot[7] ; celle enfin que M. Stuart Mill considère comme la première de toutes[8] et qui, dans sa pensée, doit servir à préparer les autres.

  1. Préceptes de mariage. — Cf. Les Vertueux Dits des femmes.
  2. Consolation à Helvia et à Marcia ; Épîtres.
  3. S’il faut élever les filles comme les garçons.
  4. Histoire morale des femmes (1849).
  5. Les Réclamations des femmes. — Cf. Louis Legrand, Les mœurs et le mariage en France (1879).
  6. L’École ; l’Ouvrière. — Voir aussi le discours de M. F. Passy sur l’Introduction de l’économie politique dans l’enseignement des femmes.
  7. Mme Guizot ne traite que de l’éducation morale. C’est la partie fondamentale des traités de Mme Necker et de Mme de Rémusat. Mme de Lambert, qui s’étend davantage sur l’instruction proprement dite, va jusqu’à dire : « Ce n’est pas la privation des connaissances qui est à craindre, c’est l’erreur et le faux jugement. Nous croyons avoir beaucoup avancé, quand nous nous chargeons la mémoire d’histoire et de faits ; cela ne contribue guère à la perfection de l’esprit. Il faut s’accoutumer à penser. » (Avis d’une mère à sa fille.)
  8. De l’assujettissement des femmes, chap. IV, p. 233 et suiv.