Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/549

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
541
DE L’ÉDUCATION DES FILLES

exercices physiques et les réunions de famille, où l’instruction se complète et s’achève par l’échange réfléchi des observations, des sentiments, des idées[1]. Elle ne craint pas de dire, enfin, elle qui a posé d’une main si sûre les fondements de l’éducation libérale et progressive : « Les femmes, selon nous, doivent avoir du goût et de la facilité pour l’étude, plutôt que beaucoup de savoir : il n’est pas du tout fâcheux que le désir de s’instruire l’emporte chez elles sur l’instruction. Tâchons de leur donner l’habitude de l’application, l’envie de saisir les idées nouvelles ; inspirons-leur même un certain goût pour lutter avec les difficultés, et faisons-leur grâce de la science[2]. »

Nous sommes devenus plus exigeants, et cette exigence est l’honneur de notre temps. Le champ des connaissances nécessaires a été approfondi, et nous ne pouvons en rien nous passer de précision. D’autre part, dans une société démocratique incessamment transformée par le travail, et où l’on ne tient compte à chacun que de sa valeur, l’éducation n’a plus de privilèges : ouverte à tous, filles ou garçons, elle doit être pour tous l’école de la vie et se prêter à tous les besoins. Enfin, chaque jour, sous nos yeux, par le mouvement naturel du progrès des idées sociales, la place de la femme dans la famille et hors de la famille s’étend et grandit. Les esprits les plus sages réclament pour elle le développement des droits civils et le libre accès à ceux des emplois professionnels auxquels la prédisposent l’aisance naturelle de son intelligence et la dextérité de ses organes. Si, même parmi les théoriciens, les idées de M. Stuart Mill sur le partage des droits politiques[3] ont rencontré chez nous moins

  1. « Un quart d’heure de réflexion étend et forme plus l’esprit que beaucoup de lectures. » Mme de Lambert, Avis d’une mère à sa fille.) — « Pourquoi s’en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savantes ? dit La Bruyère. Par quelles lois, par quels rescrits leur a-t-on défendu d’ouvrir les yeux et de lire, de retenir ce qu’elles ont lu, et d’en rendre compte ou dans leurs conversations ou par leurs ouvrages ? » (Des femmes, 49.)
  2. L’Éducation progressive, Étude de la vie des femmes, liv. II, chap. 3.
  3. Sur l’historique de la question de l’affranchissement des femmes en Angleterre, on consultera utilement, dans la Revue politique et littéraire (2 et 9 mai 1874), l’intéressant travail de Mme C. Coignet, une des femmes de notre temps qui s’est vouée avec le plus de passion et de talent à l’étude des grands problèmes de l’éducation moderne. — Voir, dans le même ordre d’idées, un article de la Revue Britannique (janvier 1877), sur le collège pour les femmes