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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

dans les revendications, comme Mme de Lambert, interprète à la fois fidèle et hardie de l’ancienne société française, placent avant tout autre soin le gouvernement intérieur de la famille. C’est là qu’elles mettent l’attrait et la dignité de leur existence. Si elles veulent être instruites des principes essentiels de la législation qui les concerne, c’est moins pour y trouver la sanction de leurs droits que l’intelligence de leurs obligations, et elles s’en expliquent avec une simplicité touchante. « Je voudrais, dit l’une d’elles, que des conversations avec un notaire entrassent dans l’éducation des filles ; on leur donne assurément des maitres moins utiles que celui-là[1]. » Dans la pleine association à la vie du chef de la famille elles cherchent un commerce qui les élève, et où elles puissent apporter leur contingent de services. « Si tu veux réussir, consulte ta femme », disait bourgeoisement Franklin. « Les hommes mêmes qui ont toute l’autorité en public, écrit Fénelon, ne peuvent, par leurs délibérations, établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l’exécuter[2]. » Ce concours est tout ce qu’elles prétendent. Elles demandent le droit au devoir. Au fur et à mesure que s’ouvrent des horizons plus larges dans les conditions de l’existence sociale, elles y portent curieusement le regard. Devenues, par la Révolution, mères et épouses de citoyens, — le mot est de Mme de Rémusat, — elles sentent le poids de la responsabilité nouvelle qui leur incombe. Le spectacle de l’exercice des libertés publiques les passionne et parfois les attire, mais sans les entraîner. Elles aiment à se placer à côté du jeu, — c’est encore Mme de Rémusat qui parle, — mais elles ne tiennent pas les cartes. Elles veulent avoir part à l’intérêt, non à l’action[3].

  1. Le vœu ne paraîtra que trop justifié, si l’on considère que, sur 3 007 194 cas de veuvage constatés en France d’après le recensement de 1836 (les résultats du dénombrement de 1881 ne sont pas encore connus), on comptait 986 129 veufs et 2 021 065 veuves, soit 205 veuves pour 100 veufs.
  2. Un homme sans femme, dit un proverbe annamite, est comme un cheval sans bride.
  3. « Les femmes, écrit de son côté Mme Guizot, sont dans la société comme ces religieux qui, ayant renoncé à toute influence immédiate sur les affaires, n’y peuvent prendre part qu’en obtenant de l’empire sur ceux qui les conduisent. »