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REVUE PÉDAGOGIQUE

avec l’homme, ils la tiennent éloignée des fonctions publiques, pour lesquelles la nature ne l’a pas faite[1].

C’est la doctrine que les femmes soutiennent elles-mêmes, avec une fermeté de jugement remarquable[2]. Les plus engagées

  1. Voici le texte de Condorcet : « Si le système complet de l’instruction commune, de celle qui a pour but d’enseigner aux individus de l’espèce humaine ce qu’il leur est utile de savoir pour jouir de leurs droits et pour remplir leurs devoirs, paraît trop étendu pour les femmes, qui ne sont appelées à aucune fonction publique, on peut se restreindre à leur faire parcourir les premiers degrés, mais sans interdire les autres à celles qui auraient des dispositions plus heureuses et en qui leur famille voudrait les cultiver. S’il est quelques professions qui soient exclusivement réservées aux hommes, les femmes ne seraient point admises à l’instruction particulière qu’elles peuvent exiger ; mais il serait absurde de les exclure de celle qui a pour objet de les préparer aux professions qu’elles doivent exercer en concurrence. »
  2. Ici encore les témoignages sont à recueillir textuellement. « Il faut qu’une solide instruction rende les femmes dignes d’apprécier les talents et les vertus de leur mari, de conserver leur fortune par une sage économie, de partager leur élévation sans une ridicule ostentation, de les consoler dans la disgrâce, de former leurs filles dans toutes les vertus inséparables de leur sexe, et de diriger les premières années de leurs fils. » (Mme Campan, De l’Éducation.) — « Des intérêts considérés en grand occupent l’homme ; il défend ceux de la famille entière, de la cité, de la patrie. Quel est le rôle particulier des femmes ? Selon nous, elles sont appelées à perfectionner la vie privée dans les limites imposées par la loi de Dieu, » (Mme Necker de Saussure, l’Éducation progressive, Étude de la vie des femmes, I, 3.) — « Nous n’avons, nous ne voulons avoir d’empire que par les mœurs et de trône que dans les cœurs. Je ne réclamerai jamais rien au delà. Il me fâche souvent de voir les femmes disputer aux hommes quelques privilèges qui leur seyent si mal : il n’est pas jusqu’au titre d’auteur, sous quelque petit rapport que ce soit, qui ne me semble ridicule en elles… Ce n’est jamais pour le public qu’elles doivent avoir des connaissances et des talents. Faire le bonheur d’un seul et le bien de beaucoup, par les charmes de l’amitié, de la décence, je n’imagine pas un sort plus beau que celui-là. » (Mme Roland, Lettres.) — « On a raison d’exclure les femmes des affaires publiques ; rien n’est plus opposé à leur vocation naturelle que tout ce qui leur donnerait des rapports de rivalité avec les hommes, et la gloire elle-même ne saurait être pour une femme qu’un deuil éclatant du bonheur. » (Mme de Stael, De l’Allemagne.) — Mme de Lambert, pour qui la considération est d’un si grand prix, ne disconvient pas elle-même que le rôle de la femme est nécessairement modeste. « Les vertus des femmes, dit-elle, sont difficiles, parce que la gloire n’aide pas à les pratiquer. Vivre chez soi ; ne régler que soi et sa famille ; être simple, juste et modeste : vertus pénibles, parce qu’elles sont obscures… Les vertus d’éclat ne sont point le partage des femmes, mais bien les vertus simples et paisibles. La renommée ne se charge point de nous. » (Avis d’une mère à sa fille.) — C’est dans le même sens que Gœthe dit : « La femme la plus digne du titre de femme de mérite est celle qui, si ses enfants viennent à perdre leur père, serait capable de le remplacer. »