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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

le mot d’un contemporain, mène le chœur. « La plupart de ceux qui prennent la cause des femmes contre cette orgueilleuse préférence que les hommes s’attribuent, dit-elle, lui rendent le change entier, renvoyant la préférence vers elles. Moi qui fuis toute extrémité, je me contente de les égaler aux hommes, la nature s’opposant pour ce regard autant à la supériorité qu’à l’infériorité. » C’est le point de vue auquel elle se place dans l’Égalité des hommes et des femmes et dans le Grief des Dames[1], deux traités dont, malgré les archaïsmes, le tour est resté agréable. Son « grief », c’est que l’on ose dire que la femme manque « de la dignité, de la suffisance, du tempérament nécessaires, pour être élevée tout comme l’homme », ct qu’on lui constitue « pour seule félicité, pour vertus souveraines et seules : ignorer, faire le sot et servir ». Elle en appelle, sur les mérites et les aptitudes de son sexe, au témoignage des philosophes de l’antiquité grecque et latine, au patronage des Pères de l’Église, à « l’autorité de Dieu même ». Elle entend « prendre la plume dans les gazettes et dire son mot dans les conférences, à l’encontre de ces bruyants vautours qui font piaffe de ne jamais s’amuser à lire un écrit ou à entendre un discours de femmes[2] ».

Ainsi posée, la revendication, au fond, n’intéressait guère que les cercles et les ruelles. C’est sa propre cause que défend Mlle de Gournay, la sienne et celle de quelques privilégiées, celle de l’Émilie de Saint-Évremond, « de la femme qui ne se trouve point[3] ». La controverse ne pouvait manquer d’être poussée. Elle prend un ton plus ferme avec une amie de

  1. L’Ombre de la Damoiselle de Gournay, œuvre composée de mélanges ; Paris, 1626, p. 445.
  2. Id., p. 556. — Cf. De l’Éducation des enfants de France, id., p. 1. — Voir L’honneste femme. par le sieur Dubosq (1635) et L’honneste fille, par le sieur de Grenaille (1639).
  3. L’idée de la femme qui ne se trouve point et qui ne se trouvera jamais. La conclusion de la dissertation mérite d’être relevée dans le sujet qui nous occupe : « … Voilà le portrait de la femme qui ne se trouve point, si on peut faire le portrait d’une chose qui n’est pas. C’est plutôt l’idée d’une personne accomplie. Je ne l’ai point voulu chercher parmi les hommes, parce qu’il manque toujours à leur commerce je ne sais quelle douceur qu’on rencontre en celui des femmes, et j’ai cru moins impossible de trouver dans une femme la plus forte et la plus saine raison des hommes que dans un homme les charmes et les agréments naturels aux femmes. »