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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

pan en faire l’intelligente et large application. C’est, au fond, l’esprit du dix-huitième siècle qui prévaut dans ce qu’il a de conforme au vœu de la sagesse sociale et à la loi de la raison.

La nécessité de donner aux facultés de la jeune fille une nourriture solide, en même temps qu’un développement harmonieux, est énergiquement soutenue par l’école moderne. Avec plus de grâce que de bon sens, Joubert avait dit : « Rien de trop terrestre et de trop matériel ne doit occuper les jeunes filles. Il ne faut, entre leurs mains, que des matières légères… Elles ressemblent à l’imagination et ne doivent qu’effleurer comme elle. » Mme Necker de Saussure rejette de très haut « cet assortiment de toutes petites connaissances », et Mme de Rémusat ne voit aucune raison de traiter l’éducation des filles moins sérieusement que celle des garçons.

Cette règle est devenue celle des programmes d’études élaborés depuis cinquante ans. Nous l’avons vue apparaître, dès 1835, dans les règlements des examens des maîtresses d’institution. Elle se retrouve à la fois dans les cours de la Sorbonne et dans les écrits de ceux qui combattaient l’institution[1]. Elle est la base du plan délibéré par la Société pour l’examen des questions d’en-

    L’avantage de tout cela est qu’on les exerce à tout ce qu’elles peuvent être appelées à faire, et qu’on trouve l’emploi naturel de leur temps en choses solides et utiles. Il faut que leurs appartements soient meublés du travail de leurs mains, qu’elles fassent elles-mêmes leurs chemises, leurs bas, leurs robes, leurs coiffures. Tout cela est une grande affaire dans mon opinion. Il faut dans cette matière aller jusqu’auprès du ridicule. Je veux faire de ces jeunes filles des femmes utiles, certain que j’en ferai par là des femmes agréables. Je ne veux pas chercher à en faire des femmes agréables, parce que j’en ferais des petites-maîtresses. On sait se mettre, quand on fait soi-même ses robes : dès lors on se met avec grâce. La danse est nécessaire à la santé des élèves ; mais il faut un genre de danse spécial, et qui ne soit pas une danse d’opéra. J’accorde aussi la musique, mais la musique vocale seulement… Si l’on me dit que l’établissement ne jouit pas d’une grande vogue, je réponds que c’est ce que je désire, parce que mon opinion est que, de toutes les éducations, la meilleure est celle des mères ; parce que mon intention est principalement de venir au secours de celles des jeunes filles qui ont perdu leurs mères, et dont les parents sont pauvres… ; qu’enfin si ces jeunes personnes, retournant dans leurs provinces, y jouissent de la réputation de bonnes femmes, j’ai complètement atteint mon but, et je suis assuré que l’établissement arrivera à la plus solide, à la plus haute réputation. » Voir A. Thiers, Histoire du Consulat et de l’Empire, t. VII, liv. xxvi, p. 427.

  1. Mgr Dupanloup, Femmes savantes et Femmes studieuses.