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REVUE PÉDAGOGIQUE

dans sa bonhomie, est plus confiant. Il a horreur des savantes et des coquettes : ce sont, à ses yeux, des pestes. Il ne soutient donc pas l’étude du latin ; il préfère donner « aux arts de femme, comme filer, broder, coudre, faire de la tapisserie », le temps qu’on y consacrerait sans grand profit. Mais il fait cas de la lecture pour ouvrir l’esprit. Dès l’âge de neuf à dix ans il estime qu’on peut mettre entre les mains des filles des histoires de leur pays, et leur enseigner les éléments de géographie, les lois de police, les principales lois civiles, quelques notions sur les diverses professions, ce qui leur permettra plus tard d’entendre avec plaisir ce que leur diront les hommes et de s’intéresser aux travaux de leur mari. À quinze ans, son élève prendra connaissance des gazettes, et on lui expliquera les nouvelles publiques ; en même temps, on l’initiera à l’histoire du monde par l’étude de la chronologie universelle et des grandes époques de l’humanité. À ces diverses connaissances, qui n’ont de particulier que la forme piquante sous laquelle il les présente, et à toutes celles qu’acceptait la pédagogie établie, arithmétique appliquée à l’économie, jurisprudence, etc., l’abbé de Saint-Pierre ajoute quelque chose de vraiment nouveau. Il désire qu’on apprenne aux jeunes filles « un peu d’astronomie, pour pouvoir faire usage de l’almanach, pour savoir comment se font les éclipses, ce que ce peut être que les comètes, les impostures des diseurs et des diseuses de bonne aventure ; un peu de connaissance de la machine du corps des animaux, de la nutrition et de l’économie de cette machine, pour admirer la grande sagesse et la grande puissance de l’Être bienfaisant qui l’a composée ; quelque chose sur les causes de plusieurs effets naturels, comme de la pluie, de la grêle, de la neige, du tonnerre, des songes, des impostures des prétendus sorciers où magiciens[1]. » C’est la première apparition de la science[2].

  1. Projet pour perfectionner l’éducation des filles, sixième moyen.
  2. Consulter la série entière des projets de l’abbé de Saint-Pierre sur les questions d’éducation : Projet pour perfectionner l’éducation (1728). — Projet pour perfectionner l’éducation domestique des princes et des grands seigneurs (1730). — Projet pour perfectionner l’éducation des filles (1730). — Observations sur le dessein d’établir un Bureau perpétuel pour perfectionner l’éducation publique des enfants dans les collèges et dans les couvents (1730). — Projet pour multiplier les collèges de filles (1730).