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REVUE PÉDAGOGIQUE

glement de Port-Royal ce qu’on apprenait au couvent[1], — en savait à huit ans autant que « les dames renommées du royaume ». Mme de Maintenon raconte qu’à douze ans elle passait, avec une cousine à peu près du même âge, une partie du jour à garder les dindons d’une vieille tante qui l’avait recueillie. « On nous plaquait un masque sur notre nez, raconte-t-elle gaiement : car on avait peur que nous ne nous hâlassions. On nous mettait au bras un petit panier où était notre déjeuner, avec un livret de quatrains de Pibrac, dont on nous donnait quelques pages à apprendre par jour ; on nous mettait une grande gaule dans la main, et on nous chargeait d’empêcher les dindons d’aller où ils ne devaient point aller[2]. » On s’explique, après cela, qu’en 1686 l’abbé Claude Fleury regardât « comme un grand paradoxe » de dire que « les femmes doivent apprendre autre chose que leur catéchisme, la couture et divers petits ouvrages, chanter, danser et s’habiller à la mode, ce qui est, pour l’ordinaire, toute leur éducation[3]. » Fleury n’était pas le premier cependant qui eût signalé le danger. Vingt-cinq ans avant lui (1639), Mme de Scudéry, dans le Grand Cyrus, avait jeté le cri d’alarme. Encore qu’ennemie déclarée « de celles qui font les savantes », elle ne trouve rien de plus bizarre que la façon dont on traite son sexe. « Une femme, qui ne peut danser avec bienséance que cinq ou six ans de sa vie, dit-elle, en emploie dix ou douze à apprendre continuellement ce qu’elle ne doit faire que cinq ou six ; et cette même personne, qui est obligée d’avoir du jugement jusqu’à la mort et de parler jusques à son dernier soupir, on ne lui enseigne rien du tout qui puisse ni la faire parler plus agréablement, ni la faire agir avec plus de conduite[4]. »

Quoi qu’il en soit, ce « grand paradoxe » marque une date dans

  1. Voici comment les Constitutions de la mère Agnès, plus modestes encore que le Règlement de sœur Sainte-Euphémie, résument ce programme : « On enseignera aux enfants à lire, à écrire, à travailler au linge et à d’autres ouvrages utiles, et non de (sic) ceux qui ne servent qu’à la vanité. »
  2. Conseils et Instructions aux demoiselles de Saint-Cyr, t. I, p. 98.
  3. Traité du choix et de la méthode des études, chap. xxxviii. — Le traité fut publié en 1686 ; mais il était écrit dès 1674. Cette date le rapproche de la première représentation des Femmes savantes.
  4. Artamène ou le Grand Cyrus, portrait de Sapho.