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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

tion maternelle, c’est l’éducation au logis. Ajoutez qu’aujourd’hui, avec l’étendue et la variété des matières que comporte l’instruction des filles, il est bien peu de parents qui soient en mesure de leur en assurer eux-mêmes le bienfait. C’est ce que considérait Mme Campan, lorsque, après Rollin, elle recommandait l’externat, « ces pensions de jour », comme elle les nomme, qui laissent l’enfant sous la tutelle de la famille, en le confiant pour un temps et pour un objet déterminés à une direction étrangère[1]. Les avantages de cette éducation mixte ne pouvaient échapper aux esprits qui ne cèdent pas à l’illusion. Mme de Rémusat, Mme Necker de Saussure, miss Hamilton[2], miss Edgeworth[3], les recommandent. Un de ces écrivains à la suite, qui expriment le sentiment général d’une époque avec d’autant plus de fidélité qu’ils ont peu d’idées personnelles, Aimé Martin, voit dans ce système la solution de toutes les difficultés ; et il demande qu’on établisse dans chaque ville des externats de demoiselles ; il cherche à y intéresser l’industrie privée : « C’est, s’écrie-t-il, une branche toute neuve à exploiter parmi nous[4]. »

Reste à pourvoir au sort des jeunes filles que les conditions d’existence ou de fortune de leur parents tiennent éloignées des villes. C’est pour elles que Talleyrand provoquait la création de pensionnats. « La prévoyance de la loi, disait-il dans un langage élevé, après avoir recommandé l’institution la plus parfaite (nous savons ce qu’il entendait par là), doit encore préparer des ressources pour les exceptions et des remèdes pour le malheur. La patrie aussi doit être une mère tendre et vigilante. » Mais, en plaçant ces maisons sous la haute autorité de l’État, Talley-

  1. « Quelques soins que l’on prenne de l’éducation des enfants, elle est toujours très imparfaite, dit de son côté Mme de Lambert, au début de l’Avis d’une mère à son fils : il faudrait pour la rendre utile avoir d’excellents gouverneurs, et où les prendre ? À peine les princes peuvent-ils en avoir et se les conserver. Où trouve-t-on des hommes assez au-dessus des autres pour être dignes de les conduire ? »
  2. Lettres sur les principes élémentaires d’éducation (1801).
  3. L’éducation familière ou Séries de lectures pour les enfants (1828).
  4. L. Aimé Martin, De l’Éducation des Mères de famille ou de la Civilisation du genre humain par les femmes, tom. I, liv. I, chap. {{rom|xiv|14. — Cf. Bonnin, Lettres sur l’Éducation (1823).