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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

rien au-dessus des soins d’une bonne mère. L’instinct de Mme de Sévigné l’avait devancé. Elle, qui n’avait eu que des précepteurs, engageait sa fille à s’occuper de Pauline, lui promettant de ce commerce, outre le bien de l’enfant, toute sorte de douceurs pour elle-même. Quelques années après, Mme de Lambert, disciple fidèle de l’archevêque de Cambrai, donnait en même temps le précepte et l’exemple. Élevée par elle, sa fille entre dans le monde, comme son fils, avec un viatique préparé par elle[1]. Ce qui était une préférence justifiée devient un système. On n’ose presque plus tenir pour l’éducation publique. Rollin, qui, dans le chapitre du Traité des Études spécial aux filles, avait tant d’occasions naturelles de traiter la question, l’évite à dessein[2]. Tout au plus indique-t-il que la jeune fille doit avoir des compagnes qui fassent les mêmes études qu’elle ; qu’une éducation isolée risque d’être inféconde ; qu’à défaut de mieux, l’élève a besoin au moins d’une interlocutrice, mère, gouvernante où maîtresse. Non que l’expérience lui manque, il le laisse assez entendre ; mais il ne veut pas se prononcer. L’abbé de Saint-Pierre est moins discret. Il a le sentiment exact des avantages que l’éducation publique offre, en général, au point de vue des nécessités de la vie commune ; il en fait naïvement le compte, qui s’élève à douze[3] ; il se défie surtout de la trop grande complaisance ou de l’ignorance des mères et des grand’mères ; il calcule aussi que les parents peuvent « épargner la dépense sur la multiplicité des maîtresses qu’exige l’instruction privée » ; mais il passe rapidement sur toutes les bonnes raisons qu’il aurait à développer, comme s’il craignait de s’en trop expliquer.

Ce ne sont encore toutefois que des signes de retour réfléchi contre le régime de claustration absolue que le dix-septième siècle avait appliqué à l’éducation des filles. Vers 1760, la réaction éclate manifestement. On invoque tour à tour contre l’internat la raison et le sentiment. Ce sont les philosophes qui font valoir les arguments de raison. Les enfants élevés dans les couvents leur semblent

  1. Avis d’une mère à sa fille. — Avis d’une mère à son fils.
  2. Traité des Études, liv. I, chap. ii.
  3. Projet pour perfectionner l’éducation, chap. xiii.