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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

manifeste qu’elle a l’amour sincère de l’enfance et le sens profond de l’éducation ! Elle était née institutrice. De bonne heure elle s’essaie à sa vocation ; à Saint-Cyr, elle la remplit pleinement. La conception seule d’un établissement de cette nature, l’idée de faire payer par la France la dette de la France, en élevant les enfants de ceux qui lui avaient donné leur sang, procède d’un sentiment inconnu jusque-là. Mais c’est dans le détail de ses instructions qu’il faut la suivre pour apprécier la direction nouvelle qu’elle imprime à l’éducation de son temps. Rien de ce qui touche à ces enfants ne lui est indifférent. Elle se préoccupe du menu de leurs repas, comme du programme de leurs études, du développement de leur taille, comme du tour de leur caractère. Elle est au dortoir à l’heure où l’on se lève ; elle entre en classe au moment où on l’attend le moins et prend la direction de la leçon. Elle se plaît à ces instructions communes ; elle en a laissé des modèles. Elle ne cherche pas moins les entretiens particuliers ; elle connaît le passé de chaque élève, son genre d’esprit, ses idées, et ce qu’elle dit porte juste sur le point qui appelle le conseil. Les qualités ne sont pas toujours ce qui l’attire le plus. Elle aime tout en ses chères filles : vertus et défauts, efforts et défaillances, leurs travaux, leurs ébats, tout, jusqu’à leur poussière. En entrant à la maison, elle est décidée à y faire entrer avec elle un rayon de bonne humeur. « Il faut égayer l’éducation des enfants », disait-elle ; c’est un des principes de sa pédagogie. Après la réforme qui assombrit Saint-Cyr, elle a besoin de se rassurer sur ce point. « Je ne crois pourtant pas, écrit-elle, qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Toute cette passion, sans doute, est plus ferme que tendre. Dans le règlement de sœur Sainte-Euphémie, sous la rigueur des prescriptions monacales, on trouve çà et là, dans un mot, dans un trait, une préoccupation douce. Elle recommandera, par exemple, « qu’on s’assure, en hiver, quand les pauvres enfants, ses petites colombes, sont déjà endormies, et sans qu’elles le voient, si elles sont bien couvertes ». Il y a là comme un touchant souvenir de la vie de famille dont le cœur de Jacqueline a été traversé. Rien de semblable chez Mme de Maintenon, qui a connu à peine sa mère, et