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EXAMENS DU PROFESSORAT DES ÉCOLES NORMALES

sa lecture. Quand le jury, effrayé des proportions que pouvait prendre l’épreuve ainsi entendue, l’invitait à lire les seuls passages décisifs et probants, il paraissait troublé et, après quelques hésitations, quelques essais infructueux, en revenait à sa première manière. Il y a une mesure à garder entre trop lire et, comme nous l’avons reproché aux aspirantes, ne pas assez lire.

Beaucoup de candidats ont également abusé de la lecture dans l’explication de l’auteur. Ils lisaient d’abord la page qui leur avait été indiquée : cela est en effet excellent pour mettre à soi-même et aux autres cette page devant les yeux et dans l’oreille, pour s’en rendre la vive sensation comme présente ; mais, cette lecture achevée, ils la reprenaient de nouveau, cherchant où s’arrêter, où accrocher un commentaire, et, si un de ces commentaires avait interrompu le cours d’une phrase, ils reprenaient la phrase ; et autant de fois la phrase était interrompue, autant de fois ils la reprenaient. Rien de fatigant et de fastidieux comme ces perpétuels recommencements : ils usent Île temps et l’attention, deux choses précieuses qu’il convient de savoir ménager.

Il n’y a du reste peut-être pas d’épreuve sur laquelle tous les candidats, aspirants et aspirantes, se soient montrés plus hésitants. Ceux-ci ont commencé par une biographie de l’auteur, suivie d’une analyse de l’ouvrage dont le morceau était détaché. Combien de temps restait-il alors pour l’étude du morceau lui-même ? Ceux-là s’attachaient aux idées ; ils semblaient toujours craindre qu’elles ne fussent pas assez claires ; ils les traduisaient l’une après l’autre dans leur langage qui, cela va sans dire, ne valait pas celui de l’auteur ; ils les délayaient en deux ou trois formes successives qui n’étaient plus que des à-peu-près, et ils croyaient avoir rempli leur tâche. D’autres ne s’occupaient que des mots, les considérant en ce qu’ils ont de tout à fait matériel, ou à propos de l’un ou de l’autre d’entre eux se livraient aux digressions les plus intempestives. Dans cette admirable fable du Vieillard et des trois jeunes hommes, n’avons-nous pas entendu un aspirant, sans chercher à en dégager la pensée inspiratrice, élevée, touchante, mélancolique, s’arrêter au mot jouvenceau, en étudier l’origine, le rattacher à Jouvence, fontaine de Jouvence, se demander en quel pays était placée cette fontaine, conclure gravement qu’on ne savait pas au juste ?