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REVUE PÉDAGOGIQUE

au concours et longuement formés par les meilleurs professeurs, en quoi un si puissant appareil modifiera-t-il l’âme du pays ? Sortira-t-il de là plus de bon jugement et de clarté d’esprit, plus de force morale avec un sentiment plus élevé de la destinée humaine et de la destinée nationale. plus de patriotisme, plus de bon sens, plus d’esprit libéral ? Ou bien n’aurons-nous abouti à faire qu’une démocratie habile à lire, à écrire et à calculer ; frottée de quelque littérature ; bien pourvue de cette instruction qui donne l’envie et les moyens d’occuper les petites places de l’administration publique, de l’industrie et du commerce, mais démunie de fermes principes et de fortes habitudes de jugement ; sans curiosité, sans autre idéal que de se faire une vie tranquille et doucement occupée, sans souci de la grandeur, de l’honneur, de la liberté du pays ?

C’est le privilège de l’éducation primaire de faire naître ces vastes appréhensions et cet immense espoir. Elle ne peul s’améliorer, c’est-à-dire devenir plus raisonnable, plus humaine, plus libérale, sans que la nation entière se sente ressusciter. Elle ne peut s’appauvrir de raison, de justice, d’idéal, sans que la vie morale et individuelle se ralentisse dans toutes les veines du corps social. Et si l’on vient encore à se rappeler que cette éducation est centralisée, que toutes les grandes impulsions partent de Paris et d’un seul point de Paris, que l’on ne peut se tromper rue de Grenelle sans que l’erreur ne retentisse dans toutes les écoles de France, on se prend alors à étudier avec un redoublement de sollicitude les réformes entreprises, ainsi que la manière dont elles sont poursuivies et conduites.

II

Mais examinons les choses simplement, sans nous perdre en prévisions à longue portée, et cherchons les moyens d’en tirer le meilleur parti possible. La pédagogie, avons-nous dit, n’est pas une chimère ; c’est une science réelle, qui n’emploie pas d’autres procédés que les autres sciences d’observation ; seulement elle a ses difficultés particulières, puisqu’elle traite de la nature humaine, qui est de tous les sujets le plus complexe et le plus mobile. Comme toute science, comme la morale et la psychologie, dont elle fait ses auxiliaires, elle est exposée à perdre pied, à