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DE L’USAGE ET DE L’ABUS DE LA PÉDAGOGIE

d’étude. Ce n’est peut-être là, il est vrai, qu’une cause temporaire d’encombrement : il est permis d’espérer que le mal ira s’atténuant à mesure que l’éducation primaire, dans les écoles élémentaires et dans les écoles supérieures (de 12 à 15 ans), sera plus complète et plus régulière. Mais aujourd’hui, tant de connaissances à acquérir, soit scientifiques, soit littéraires, durant les trois années d’école normale, imposent à l’esprit une tension excessive, le font vivre hors de lui, et tour à tour dans les choses les plus diverses, l’empêchent de se faire une vie propre d’observations, de réflexions, de tâtonnements, de points d’interrogation, où l’enseignement de la pédagogie, avec ses prémisses théoriques et ses applications, trouverait à prendre racine.

On a donc raison de craindre que le demi-savoir ou plutôt le savoir hâtif et superficiel, que l’on raille parfois chez nos maîtres primaires et qui les rend, dit-on, suffisants et dogmatiques, ne devienne plus stérile et plus choquant encore s’il se complique d’une instruction pédagogique mal dirigée. On a remarqué depuis longtemps la préférence décidée que les élèves des écoles normales montrent pour les mathématiques, et comment ils s’attachent dans ces sciences au simple mécanisme logique. Apporteront-ils la même disposition formelle et utilitaire, pour ainsi parler, dans l’étude des éléments de psychologie, de morale, de pédagogie ? Il se trouvera, n’en doutons pas, pour les engager dans cette voie, des manuels trop complaisants qui excelleront à convertir ces nobles sciences en menue monnaie, à l’usage des aspirants aux divers grades qui n’ont pas le loisir de penser.

Quand on songe à l’étendue de ce clavier de l’enseignement primaire qui fait en quelque sorte mouvoir toutes les cordes de lu France nouvelle, et à tout ce qui se fait d’efforts extraordinaires depuis quelques années pour le compléter et le perfectionner, on se demande ; avec une admiration mêlée d’inquiétude : Que sortira-t-il de cet immense travail jusqu’ici sans exemple ? En quoi ces innombrables écoles de tous degrés, ces établissements de haute culture pédagogique, ces examens nouveaux ou renouvelés, ces études agrandies ou approfondies, ces méthodes rectifiées, ce soin donné à l’éducation autant qu’à l’instruction, ces légions de maîtres et de maîtresses recrutés