fait son avènement en France, armé de principes rationnels et de méthodes savantes non moins que de savoir technique.
I
De bons esprits s’inquiètent à la vue de ce flot de pédagogie primaire qui va grossissant. À les en croire, ils seraient tentés parfois de regretter le vieux régent et son humble routine ; ou plutôt ils invoquent le bon sens et l’expérience commune pour conjurer le péril d’une scolastique nouvelle, plus raffinée que l’ancienne et d’autant plus à redouter, pensent-ils, qu’elle est plus méthodique dans ses façons de procéder.
Il ne faut pourtant pas, en pareille matière, s’abandonner à la mauvaise humeur et juger sur de simples impressions. Comment se refuser à reconnaître qu’il y a, en effet, une science et un art de l’éducation, jusqu’à présent trop négligés dans leur application à l’ordre primaire ; c’est-à-dire un ensemble de principes, de règles générales, de procédés d’application fondés sur l’observation de la nature humaine ; que cette observation, ou psychologique, ou physiologique, ou morale, pour aboutir à des résultats positifs, doit se conformer aux règles de toute expérience scientifique ; que cet art a ses rameaux et ses branches : enseignement et éducation, éducation physique, intellectuelle, morale, esthétique, lesquelles ont à leur tour des règles particulières tenant à leur objet propre ou aux facultés qu’elles mettent en exercice ? N’est-il pas manifeste qu’il y a une bonne et une mauvaise manière de concevoir et de diriger l’éducation en général ; qu’il y a aussi un art de bien enseigner l’histoire ou la littérature, qui n’est pas celui d’enseigner les mathématiques, et qui varie lui-même selon l’âge des élèves ; qu’il y a de bons et de mauvais procédés pour développer ou rectifier le sens de l’observation, le jugement, le sens moral, l’imagination ; mais que tous ces rameaux se rattachent à un tronc commun, à une direction générale, qui elle-même dépend d’une certaine façon, instinctive ou réfléchie, de considérer la nature de l’homme et sa destiné ? Qu’est-ce que tout cela, sinon la pédagogie même ; et peut-on craindre de la faire trop rationnelle, c’est-à-dire trop conforme à la réalité, à la nature humaine observée de près et méthodiquement ?