Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1918.djvu/409

Cette page n’a pas encore été corrigée
403
ENSEIGNEMENT GRAMMATICAL ET EMPIRIQUE DE LA LANGUE

l’intelligence, comme sa vraie fin est de la développer.

Et c’est là le second grief que l’on peut faire à l’enseignement du français par l’usage : il est empirique. Il n’exclut sans doute pas le raisonnement, mais il le laisse à l’état inconscient ou du moins implicite, il ne l’amène pas au premier plan, devant la rampe brillante de la scène. L’écolier qui, ayant appris à écrire : ils parlent y écrit sans l’avoir appris : ils chantent, a fait, fut-ce à son insu, un raisonnement. Raisonnement juste dans ce cas, mais dangereux. C’est le raisonnement par analogie, inférence du particulier au particulier, comme disent les philosophes, source de combien de sophismes et d’erreurs ! et notamment une des plus graves causes de dépravation de la langue, celle qui nous vaut ces barbarismes : émotionner, solutionner, difficultueux, alors que nous avons : émouvoir, résoudre, difficile de si bonne et ancienne frappe française ! Et c’est à des aventures de cette sorte qu’en le livrant aux ressources de l’analogie vous conviez l’enfant !

Combien supérieure, plus sûre, plus éducative est l’opération mentale qui, d’un principe général, déduit une application particulière ! C’est en cela que la leçon de grammaire est une incessante éducation intellectuelle : elle note des exemples de langage, elle en dégage le caractère commun, elle en induit, une règle ; cette règle formulée, la déduction intervient pour résoudre un problème particulier d’accord ou de syntaxe.

Une autre supériorité de la méthode grammaticale, c’est sa rapidité. Elle dispense le maître de transmettre, l’élève d’acquérir des connaissances fragmentaires ; elle les résume en définitions, classifications et règles. De même que le professeur de botanique ne s’attarde pas à faire étudier toutes les espèces d’une famille végétale et à répéter à