Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1918.djvu/400

Cette page n’a pas encore été corrigée
394
REVUE PÉDAGOGIQUE

idéal commun ; la langue, expression et moyen d’échange des idées, est le plus fort des liens, le plus propre à réunir en un faisceau les volontés individuelles.

Mais, si hauts que soient ses buts immédiats, l’enseignement du français a une portée qui les dépasse ; il va plus loin que l’utilité de l’individu, de la société, de la nation ; il est un des principaux modes d’éducation intellectuelle et, par voie de conséquence, d’éducation morale. Nul autre n’est aussi propre à mettre en jeu les diverses facultés de l’esprit, si toutefois on le donne en vue de cette fin supérieure. Or il semble bien qu’après s’être longtemps cru sûr de sa méthode, il ait été pris de doute et traverse présentement une crise qui risque d’en compromettre les résultats. Jadis il se pliait docilement, trop docilement peut-être, aux cadres et aux règles de la grammaire ; aujourd’hui il tend h secouer cette tutelle pour ne se réclamer que de l’expérience : il rejette la théorie, croyant mieux atteindre et régir la pratique.

Mettre en évidence les avantages et les inconvénients de chacune de ces deux méthodes, l’une grammaticale et l’autre empirique, en exposant comment et au prix de quel dommage celle-ci s’est substituée à celle-là ; rechercher si une conciliation n’est pas possible entre elles et à la faveur de quelles concessions mutuelles, tel est le double objet qu’on se propose ici.

Depuis quelque vingt ans, l’idée se répand de plus en plus parmi les maîtres que la langue maternelle, façonnée par l’usage, s’enseigne aussi par l’usage. Les errements de nos devanciers, qui avaient recours de préférence h la