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REVUE PÉDAGOGIQUE

de la dévaster de nouveau. Arracher cet homme à son passé, à sa tradition, serait, de la part des éducateurs de la jeunesse, un crime contre la patrie, un attentat contre nature. « La nation comme l’individu, a dit Renan, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouement. Le culte des ancêtres est de tous, le plus légitime ; les ancêtres nous ont fait ce que nous sommes. » Sans doute, Renan, quand il écrivait ces choses, songeait aux pages sublimes où Cicéron parle de sa maison de campagne et des souvenirs qu’y ont laissés ses ancêtres : « C’est ici ma vrai patrie et celle de mon frère Quintus : c’est ici que nous sommes nés, d’une très ancienne famille ; ici, sont nos autels, nos parents, les monuments de nos aïeux… Je ne sais quel charme s’y trouve qui touche mon cœur et mes sens… » Et Atticus lui répond : « Je ne sais pourquoi, mais nous sommes émus à la vue des lieux où se voient les traces de ceux que nous avons aimés ou que nous admirons. Tenez, pour moi, Athènes, ma chère Athènes me plaît moins par la magnificence de ses monuments et ses antiques chefs-d’œuvre, que par le souvenir de ses grands hommes ; le lieu que chacun d’eux habitait, la place où il s’asseyait, celle où il aimait à discourir. je contemple tout avec intérêt, tout, jusqu’à leurs tombeaux. »

Vous le savez, messieurs, ce sentiment est universel et voilà pourquoi la connaissance des monuments de notre histoire ne saurait rester un luxe de dilettantes et d’érudits ; elle doit devenir l’un des éléments de l’éducation de toutes les classes et, en particulier, des classes populaires. Dans ses luttes pour préparer l’avenir, le présent n’a rien à gagner à faire la guerre au passé, surtout quand ce passé est la France qui porte au front une auréole de gloire que lui a faite le peuple tout entier, et à laquelle celle d’aucune autre nation ne pourrait être comparée. Non certes ! les hommes qui ont créé notre tradition et nous ont transmis le nom de Français n’étaient pas des barbares. Ils n’étaient pas des barbares ceux qui ont inventé l’art gothique et jeté dans l’espace les flèches de nos cathédrales ; ceux qui ont peint les exquises miniatures de nos manuscrits, ceux qui ont formé notre langue et constitué notre littérature ! Ils furent de leur temps, comme nous devons être du nôtre. Ils eurent leurs vertus et leurs défauts, parce qu’ils faisaient partie de l’humanité. Surtout, ils