Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1909.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
37
LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT DU DESSIN

invitez à s’essayer dans tous les genres de travaux que l’artiste exécute. Qu’en arrivera-t-il ? que, chaque année, les lycées et collèges lâcheront par le pays des légions de peintres-amateurs. L’espèce en est-elle donc aujourd’hui si rare ? Trouvez-vous vraiment qu’on en chôme ? Vous avez, on le sait bien, les plus nobles intentions du monde : vous songez à relever le niveau du goût public. C’est son abaissement que vous préparez. Quand vos potaches auront attrapé quelques bribes d’histoire de l’art, la critique des bourgeois ne sera guère plus éclairée et montrera plus de pédantisme ; quand tout collégien maniera le pinceau, c’en sera fait de cette sainte pudeur que l’artiste sent devant l’œuvre à exécuter. » On ne saurait nier qu’il y ait quelque chose de fondé dans ces appréhensions ; mais leur exagération est manifeste. Certes il y aura de petits nigauds qui, pour avoir lavé quelques aquarelles, brossé quelques toiles et appris quelques termes d’art, joueront à l’artiste et au critique. Maïs, parce que des lycéens échappés envoient aux journaux de mauvaise copie, brochent des romans ou des volumes de vers illisibles, faut-il donc supprimer l’exercice de la composition française et la lecture des grands poètes ? La suffisance, l’outrecuidance sont des travers de caractère que manifesteront toujours ceux qui en sont atteints, quelque enseignement qu’ils aient reçu. Il n’en reste pas moins que, plus un enseignement sera intelligent et vivant, plus il profitera aux esprits sensés et modestes, à ceux qui ont de la distinction. C’est cette élite qui travaillera au relèvement du goût public ; c’est elle que l’on veut mettre mieux en mesure d’y travailler avec succès.

Reste enfin ce que j’appellerai l’objection de la dernière heure, car elle a été présentée par M. Louis Hourticq dans un article publié par le Journal des Débats à la fin du mois de décembre 1908. Au gré de M. Hourticq, les réformateurs de l’enseignement du dessin ont pris des soins bien inutiles : leurs efforts resteront fatalement sans résultat, parce que le système général des études secondaires va à leur encontre. Ce système, en effet, ignore le langage des formes et oblige les écoliers à tenir leurs yeux fermés. « Il arrive à des aveugles de s’engager dans le cycle de nos études secondaires et on les admire de ce qu’ils montrent sur leurs condisciples une supériorité marquée. On ne réfléchit pas