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BIBLIOGRAPHIE

il faut rappeler ici le livre sur Molière et le théâtre espagnol, paru en 1906. L’ouvrage de M. Martinenche et celui de M. H. ont été composés indépendamment l’un de l’autre ; la différence des idées directrices et des conclusions en rend la confrontation tout à fait utile.

Pour ne parler que de M. H., sa préoccupation constante est de retrouver partout la trace de la comedia espagnole, même là où on l’attendrait le moins. Cela n’est pas sans l’entraîner à des abus : trop vagues ou trop forcés, ses rapprochements sont parfois peu significatifs ; et le mal est que le lecteur, lorsqu’il a senti la témérité d’une ou deux affirmations, tend à devenir sceptique même pour les hypothèses mieux fondées, qui s’imposeraient avec plus d’évidence si elles ne souffraient pas de ce voisinage compromettant. Il est entendu que George Dandin « doit beaucoup à l’Italie » : est-il bien à propos d’y relever encore une « bouffonnerie parfois outrée » qui « rappelle celle des entremes espagnols » (p. 224) ? Après avoir reconnu que dans les Fourberies de Scapin « on découvre à peine quelques éléments espagnols », M. H. pense-t-il faire une remarque fort probante en déclarant que le dénouement « a tout le romanesque d’une comedia » (p. 244-245) ? Des expressions comme celles-ci : « son langage rappelle dans une certaine mesure… (p. 110), Solórzano « a pu inspirer Molière… (p. 145), signalons aussi la parenté lointaine… (p. 146)… effleurées par le souffle de la comedia (p. 162) », les « peut-être », les « sans doute », les « vraisemblablement », se lisent un peu trop souvent chez M. H. On aurait aimé à voir distinguer plus nettement les imitations certaines ou probables des imitations simplement possibles.

De mème il aurait été bon que M. H. s’efforçât de classer en deux catégories bien séparées les cas où Molière imite directement une pièce espagnole, et ceux où l’original ne lui parvient qu’à travers un intermédiaire italien ou français. M. H. dit sans doute (p. 150) : « a Que Molière se soit servi d’un ou de plusieurs originaux espagnols ou qu’il ait mis à contribution des traductions ( « adaptations » serait plus exact) italiennes ou françaises, cela ne fait rien à l’affaire » ; mais on peut ne pas être de son avis. Une influence au second degré ne saurait avoir la même énergie ni la mème signification qu’une relation immédiate. Sorel, Cyrano de Bergerac, Scarron surtout ont fréquemment précédé Molière dans les emprunts aux Espagnols ; M. H. mentionne à plusieurs reprises le fait ; il devrait en tenir compte davantage dans ses conclusions.

M. H. nous met encore lui-même en garde contre quelques-uns de ses jugements, quand il laisse entrevoir que dans bien des cas il a pu y avoir non pas action d’une littérature sur l’autre, mais parallélisme entre les deux littératures. Quand un mouvement général emporte en même temps, vers le même point, les littératures italienne, française et espagnole, on n’a guère le droit de dire que tel caractère, qui se manifeste dans toutes trois, est espagnol. Si la philosophie