Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1909.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée
200
REVUE PÉDAGOGIQUE

mais à ce prix seulement l’histoire littéraire progressera, au lieu de piétiner dans les redites de l’appréciation purement esthétique.

M. H. est un ouvrier méritoire de cette vaste tâche. Il avait déjà publié un livre sur Corneille et le théâtre espagnol ; c’est donc un spécialiste, pour les rapports de notre littérature classique avec la littérature espagnole. Il faut lui savoir gré d’avoir passé des années à dépouiller, dans les grandes bibliothèques d’Europe, comme le dit sa Notice préliminaire ; un nombre infini d’œuvres souvent pénibles à découvrir ; le remercier aussi de s’intéresser intelligemment, lui Hongrois, à la littérature française. 11 est excellent qu’elle soit ainsi regardée de l’extérieur : un étranger n’a pas à secouer, pour prendre une attitude scientifique, ces préjugés de naissance et d’éducation que la meilleure volonté du monde et la probité la plus parfaite n’arrivent pas toujours à rejeter.

Regrettons seulement qu’une composition un peu confuse enlève au livre de M. H. une partie de l’efficacité qu’il pourrait avoir. Ces 332 pages sont divisées en cinq chapitres, dont voici les titres, qu’aucun autre sommaire n’accompagne : I, Molière et la critique comparée ; II, Rapports de l’œuvre de Molière avec la littérature espagnole ; III, Les comédies de Molière au point de vue de l’influence espagnole ; IV, La comédie de Molière et le théâtre espagnol ; V, La signification de l’œuvre de Molière au point de vue de la littérature européenne, Comme on le voit, les chapitres II, III et IV, qui forment les trois quarts de l’ouvrage, sont assez mal différenciés par le titre. Il arrive aussi qu’ils ne le soient pas très bien par le contenu, qu’il y ait, de l’un à l’autre, répétition ou double emploi. Mais, sans nous arrêter à ces inconvénients, secondaires en somme, nous devons dégager l’idée essentielle du livre : cette idée, c’est que presque toute l’œuvre de Molière s’explique par l’influence et l’imitation des Espagnols.

M. H. montre d’abord (ch. I) combien est légitime une étude de littérature comparée telle que la sienne, et combien étaient insuffisantes, jusqu’à ces derniers temps, les notions courantes sur les rapports de Molière avec l’Espagne. On n’avait guère fait que signaler la provenance espagnole d’un ou deux sujets et de quelques scènes ; encore cette liste d’emprunts, qui, même complète, n’aurait pas répondu à la véritable question, était-elle loin d’être définitive. Le chapitre III de M. H. est employé à rechercher dans le théâtre de Molière, depuis le Médecin volant jusqu’au Malade imaginaire. tout ce que l’on peut faire remonter à une source espagnole. Ce n’est pas seulement dans la Princesse d’Élide, imitée de Moreto., et dans Don Juan que se marque cette influence : il n’est pas de pièce pour laquelle M. H. ne trouve à indiquer quelques rapprochements. La comparaison de l’École des maris avec El marido hace mujer (c’est le mari qui fait la femme) est particulièrement intéressante : d’ailleurs, M. H. renvoie sur ce point aux études de M. Martinenche, dont