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LE MAÎTRE D’ÉCOLE SOUS L’ANCIEN RÉGIME

défendit près de l’intendant, alléguant que ce clerc, nouvel entrant dans la paroisse, avait peut-être, pour « achalander son école », versé de l’eau-de-vie aux laboureurs. En 1783, deux maîtres des environs de Rouen furent également poursuivis parce que leur consommation familiale dépassait de beaucoup ce qu’il était permis d’absorber à un simple contribuable, et laissait à supposer qu’ils vendaient l’eau-de-vie à muchepot, c’est-à-dire en cachette.

Dans cette même province, le bail était simplement constaté par la délibération de la communauté signée des assistants. Sa durée était illimitée. Dans ces conditions, un maître pouvait accomplir toute sa carrière dans le même village, et avoir son fils pour successeur, si bien que ces fonctions semblaient à la longue l’apanage de certaines familles. Dans l’arrondissement du Havre, on cite les Duflo, les Bion, les Leroux, les Lecanu, etc.

Il en était de même dans les régions riches de la Champagne et dans le Nord. À Villiers-Herbisse (Aube), la charge de magister se perpétue dans une famille de 1672 à 1799[1]. En 1787, Jean Lamy était recteur d’école à Grignon depuis cinquante ans. En 1755, meurt à Crochte (Nord) Van Daele, clerc depuis quarante-sept ans. À Godewaersvelde, les Varlet sont instituteurs de père en fils de 1727 à 1878. À Merckeghem, J.-B. Devulder, clerc, est remplacé par son fils en 1714, et plus tard par son petit-fils, si bien que leurs descendants sont encore appelés les coutres. On montre, dans l’église de Bambecque (Nord), la pierre sépulcrale de Romain den Ameele, clerc-maître d’école (coster-schoolmeister) mort en 1722 après avoir exercé cinquante-neuf ans dans ce village[2].

Traitements. — Les déclarations royales des 13 décembre 1698 et 14 mai 1724 prescrivirent des allocations annuelles de 120 l. aux maîtres et de 100 1. aux maîtresses d’école. L’époque de persécution religieuse où elles furent promulguées indique suffisamment dans quel esprit elles étaient conçues. Quoi qu’on ait dit,

  1. Babeau, ouvrage cité, p. 18. — Charmasse, p. 91.
  2. Fontaine de Resbecq, ouvrage cité, p. 177, 181, 188, 200.