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LE MAÎTRE D’ÉCOLE SOUS L’ANCIEN RÉGIME

leur état et leur volonté de se louer pour l’hiver moyennant un prix convenu. Il est peu d’hommes qui utilisent autant leur existence et qui soient plus respectables aux yeux de la société[1]. »

Lorsque plusieurs candidats se présentaient pour la même école, ils s’abouchaient avec le syndic du lieu, lequel les invitait à formuler leurs conclusions par écrit sur la porte de l’église paroissiale. Cette affiche manuscrite, entièrement rédigée de la main des postulants, contenait, en résumé, le programme de l’enseignement qu’ils étaient capables de donner. Ils y déployaient leurs talents calligraphiques et se défiaient pour le débat ou concours public, la dispute, au jour fixé par les magistrats de la paroisse ?. Dans la ville de Digne, en 1546, la régence des écoles était mise au concours dans les termes suivants :

MM. les Consuls aient à faire savoir à tous ceux qui veulent les écoles de la présente ville, que les écoles se bailleront au premier jour de dimanche après la foire franche (de la Toussaint) au plus sçavant d’eux.

Le débat avait lieu dans l’église. Il engendrait parfois de curieux incidents. En 1737, les consuls de Sisteron font publier, à son de trompe, que la « disputte » des écoles aura lieu le 15 octobre. Sont convoqués pour y assister : les consuls, le greffier, le crieur, un bachelier, et… un chirurgien. Deux candidats se présentent : Bellier, perruquier de Sisteron, et Ailhaud, chapelain des Pénitents. Le chapelain déclare ne pouvoir se disputer avec un perruquier attendu que son titre de prêtre et la recommandation de l’évêque de Gap doivent l’en dispenser, et il proteste énergiquement. Il s’offre à « régenter » pour 51 livres. Mais les consuls répliquent que, pour se conformer aux ordres du roi[2], il faut qu’il y ait dispute. Sur le refus du sieur Ailhaud, la commission passe « à l’interrogat » de Bellier, qui tient bon. On l’interroge sur sa foi et sa doctrine, et il répond pertinemment sur tous les faits, même sur les principes de la grammaire. Il explique à livre ouvert, dans le bréviaire, un sermon du pape saint Léon. Il répond sur l’arithmétique. On le fait lire, écrire

  1. Mémoire sur la statistique du département des Hautes-Alpes, par le préfet Bonnaire, 5 pluviôse an IX.
  2. V. Rey, L’enseignement primaire dans les États pontificaux de France avant 1789.