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LE MAÎTRE D’ÉCOLE SOUS L’ANCIEN RÉGIME

curé s’il se montrait « habile homme, tant pour l’écriture que pour le chiffre[1] », capable d’enseigner « les éléments de la doctrine chrétienne » (Anquetierville, 1691), et « même le plainchant à ceux qui auront de la voix » (Baïlly-en-Rivière, 1771). Le 10 mai 1544, le chapitre de Rouen accorde permission à Fremin Bloquet, prêtre, d’enseigner à Martinéglise « l’art d’écriture et dépendances, conformément au modèle par lui présenté ». La règle de trois était le summum de ses connaissances. Bref, comme à Eslettes, le clerc enseignait « pour autant qu’il en savait, c’est-à-dire peu de chose ».

Dans le Vermandois, on n’était pas plus difficile. Le 6 avril 1684, l’assemblée des habitants de Ribemont reçoit un clerc qui lui a paru excellent « tant pour le chant que pour l’écriture ». Ceux de Corbeny, étant appelés à choisir entre deux candidats, « entendent leurs voix et chant et examinent leurs cahiers et règles d’arithmétique[2] ». Ainsi, l’ampleur de son registre était le : premier mérite d’un bon magister. Même constatation dans le diocèse d’Autun : en 1728, les paroissiens de Molinot « ont un maître d’école capable d’instruire les enfants pour lire et écrire, mais qui ne sçait pas chanter, de sorte qu’il ne paroit guère convenir à la communauté[3] ». Voici même, dans le diocèse de Lyon, des maîtres qui enseignent sans savoir lire ! Celui de Feurs ne sait pas écrire. « Il est fort ignorant, ajoute le délégué de l’archevêque, mais fort sage et conduit les enfants à la messe. » On ne lui en demandait pas davantage[4]. Les habitants de Trévilly (Yonne) ne furent pas aussi conciliants ; ils se plaignirent à l’archidiacre d’Avallon en termes énergiques : « L’instruction manque trop à nos enfants, dirent-ils, et il est impossible qu’une bête remontre à d’autres ».

Par exception, nous relevons dans une ordonnance de 1568 pour les comtés de Montbéliard et de Richeville, un passage tendant à réclamer du candidat une certaine aptitude pédagogique : « Que le maître puisse enseigner les enfants à cognoistre

  1. Betteville, 1767 (Archives de la Seine-Inférieure, G 8016).
  2. Danglehem, instituteur, Histoire de Ribemont. — Mézitres, instituteur, Monographie de Corbeny.
  3. Charmasse, État de l’instruction primaire dans l’ancien diocèse d’Autun pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, 2e édit., p. 109.
  4. Dictionnaire de pédagogie, t. II, p. 1759.