Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1906.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée
344
REVUE PÉDAGOGIQUE

Instruit par son exemple, l’abbé de La Salle exigea de ses disciples une science beaucoup plus modeste, et son institut se recruta plus facilement, surtout quand il eut modéré pour les frères les dures macérations qu’il s’imposait à lui-même. Une autre institution non moins curieuse fut celle des frères Saint-Antoine, à Paris, qui se consacrèrent à l’instruction gratuite des enfants pauvres tout en conservant le costume laïque[1].

Si considérable qu’ait été pour l’époque l’influence de ces sociétés enseignantes, leur action ne franchit pas les limites de quelques grandes villes. En Haute-Normandie, les frères de La Salle ne s’établirent qu’à Rouen et à Dieppe. En 1789, ce même institut comptait à peine mille associés dirigeant 120 écoles environ. Les petites écoles de campagne ne devaient trouver leurs véritables maîtres que parmi l’élément séculier. Là encore nous rencontrons l’abbé de La Salle. En 1684, il ouvrit à Reims un séminaire de maîtres d’école où 25 élèves furent bientôt réunis. L’année suivante, à son instigation, le duc de Mazarin, neveu du Cardinal, fonda dix-sept bourses dans la maison des frères de Rethel, en faveur de jeunes hommes « destinés à être instruits des véritables maximes des pédagogues chrétiens, comme aussi à bien lire, à bien écrire et à chanter pour pouvoir aller ensuite instruire la jeunesse dans les terres, paroisses, bourgs et villages de son duché de Mazarin ». Cette nouvelle école normale fut transférée dans le marquisat de Montcornet, au diocèse de Laon. Dans la suite, La Salle fonda un établissement du même genre à Paris, et il y joignit une école primaire, sorte d’école d’application, où les élèves s’exerçaient à la pratique de l’enseignement[2].

Si louables qu’aient été ces efforts, il leur manquait, comme à toute l’organisation scolaire d’ailleurs, l’impulsion d’une administration centrale. En vain l’abbé de Chennevières demandait-il à Louis XIV, au lendemain de la Révocation, d’établir dans chaque diocèse un séminaire de maîtres d’école ; ce projet n’eut pas de suite. En 1783, l’abbé Courtalon reprend la même idée et esquisse l’organisation d’écoles normales diocésaines : « Il y

  1. Voir Renaud (le citoyen), Mémoire historique sur la communauté Saint-Antoine et vies de plusieurs frères, Paris, 1804 (au Musée pédagogique).
  2. Compayré, Histoire de la pédagogie, p. 218.