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LA MUTUALITÉ

capital constitutif entier de la pension y restant incorporé, c’est-à-dire réservé au profit de la société. Tandis que le livret de la Caisse des retraites assure une rente viagère véritable, comprenant le remboursement, soit du capital intégral de la pension (livret à capital aliéné), soit de la seule plus-value provenant des intérêts capitalisés des versements jusqu’à la liquidation {livret à capital réservé).

À l’infériorité de la pension obtenue sur le fonds commun s’ajoute, pour l’aggraver, le défaut de sécurité quant à son chiffre éventuel, tant à cause du caractère aléatoire du taux de faveur de 4 1/2 p. 100, que de l’effectif — trop réduit — des sociétés de secours mutuels, lequel ne permet pas l’application de la loi des grands nombres. Enfin, chose encore plus grave, le fonds commun ne laisse aucune élasticité à l’effort d’épargne de chaque sociétaire en vue de la retraite.

Si donc, sur le terrain de la mutualité-retraite, le seul où M. Alengry nous ait fait des objections, Je vois bien « l’originalité » et la supériorité même de l’organisation des mutualités scolaires, elles les doivent uniquement à la spécialisation des cotisations et à l’emploi en première ligne du livret individuel de la Caisse nationale des retraites, dont les a dotées leur fondateur M. Cavé. Libre à elles de persister à s’embarrasser du fonds commun, de lui donner même le pas sur le livret individuel, et de se priver des avantages de celui-ci, dans la mesure exacte où elles recueilleront les inconvénients de celui-là. L’utilisation simultanée de ces deux modes de retraites, qui méconnaît la loi de l’économie de l’effort, ne leur offre en perspective qu’une probabilité, ou plutôt qu’une certitude : celle d’alourdir leur marche et de retarder leur progrès réel, Le combattant armé d’un excellent fusil, qui juge prudent d’en emporter par surcroît un médiocre, et de s’en servir concurremment avec l’autre, ne court qu’un risque, celui de gaspiller une partie de ses munitions.

En définitive, les deux conceptions mutualistes en présence ne concilient pas avec un égal bonheur la solidarité et la liberté ; mais elles sont toutes deux « solidaristes », quoique diversement. L’une porte simultanément au maximum la solidarité entre les vivants et la liberté d’action de chacun d’eux ; elle procure à tous la plus grande sécurité possible et l’égalité de traitement la plus