Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1904.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
545
LA MUTUALITÉ

Nulle divergence non plus, entre M. Alengry et moi, sur le principe de l’égalité de traitement, qui doit régler le partage des bénéfices de l’association mutualiste, — Mais la question de fait est précisément de savoir où se trouve réalisée cette « égalité la plus entière : » dans le fonds commun, ou dans le livret individuel ? ou dans les deux modes à la fois ? Or, je crois avoir établi qu’entendue au sens rigoureux, elle est inconciliable avec l’institution du fonds commun inaliénable, qui, fatalement, avantage les uns aux dépens des autres ; tandis qu’elle trouve son application parfaite dans le mode du livret individuel. Sur ces deux points, M. Alengry n’a rien opposé à mon argumentation, qui subsiste donc entière.

L’association — réglée par la justice — des efforts individuels, c’est-à-dire la réciprocité et l’égalité de l’assistance mutuelle que se prêtent tous les participants : telles sont, à mes yeux, les deux conditions, nécessaires et suffisantes, qui définissent la vraie mutualité. Selon M. Alengry, elle impliquerait un troisième élément : l’assistance par des membres honoraires, par des donateurs ou par l’État. Je ne puis exclure ainsi de la mutualité, sinon toutes les sociétés dépourvues de membres honoraires, du moins celles qui, étant des sociétés libres, ne reçoivent rien de l’État. Les subventions de la collectivité sont une participation forcée de tous les citoyens aux charges, mais non aux bénéfices, de l’association mutualiste. Ne sont-elles point, sous prétexte de solidarité sociale, une atteinte à la liberté et à l’égalité, partant à la justice ? L’assistance des membres honoraires me paraît aussi très défectueuse sous sa forme actuelle. Je ne l’accuse pas de créer des « non-valeurs », des « déchets sociaux », — M. Alengry s’est mépris sur ce point ; — mais Je regrette qu’elle ne s’emploie pas à prévenir, à limiter au moins la déperdition sociale. C’est ce qu’elle ferait si, au lieu de distribuer ses aumônes à tous les participants sans distinction, elle les consacrait exclusivement, d’une part, à secourir ceux d’entre eux qui deviennent temporairement nécessiteux, et, d’autre part, à faciliter l’accès de la mutualité aux travailleurs qu’une trop grande pauvreté, de trop lourdes charges de famille, en tiennent éloignés. Elle ne risquerait plus ainsi d’affaiblir chez les mutualistes le sens de la responsabilité personnelle, en les dissuadant de l’énergie dans l’effort ; ce qui