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REVUE PÉDAGOGIQUE

nisée et rajeunie de la moralité, adaptée aux conditions de la vie moderne et aux exigences de la conscience contemporaine.

Cette conclusion rend justice aux efforts critiques de M. Lépine et rendra, je l’espère, le courage et la confiance aux vaillants pionniers de la mutualité scolaire.

Pour faire ressortir cette conclusion, il ne sera pas nécessaire d’opposer dogmatisme à dogmatisme. Je pense même que cela serait inutile. Car, dans l’état actuel de la science sociale, un certain probabilisme s’impose et avec lui l’esprit critique, son inséparable compagnon.

Il suffira de préciser le sens des idées et d’échelonner les principes opposés en deux séries parallèles, aux degrés symétriques, et chacun de nous choisira. C’est ce que nous allons essayer de faire.

Les problèmes soulevés par M. Lépine peuvent être ramenés à huit questions fondamentales :[1]

1° Est-il vrai de dire que les sociétés de secours mutuels soient uniquement et exclusivement des sociétés d’assurances ? Avec les actuaires et les individualistes, M. Lépine répond par l’affirmative. Avec les solidaristes et les mutualistes nous répondons : il y a, dans toute mutualité, un élément d’assurance et de calcul égoïste, mais il s’y trouve aussi un élément d’abnégation et d’aide réciproque et désintéressée qui distingue radicalement ces deux modes d’association.

2° Est-il exact d’assimiler absolument le fonds commun inaliénable au livret individuel à capital aliéné ? M. Lépine le croit. Cependant cette assimilation est discutable et elle est discutée. car dans l’idée du livret individuel l’analyse découvre la seule idée de prévoyance et d’épargne personnelle ; il y a quelque chose de plus dans l’idée du fonds commun inaliénable, savoir l’idée de mutualité.

3° Y a-t-il réellement, dans la constitution des retraites par le mode du fonds commun, spoliation et contrainte ? Il est difficile de l’admettre avec M. Lépine, si l’on y introduit l’idée de mutualité, c’est-à-dire d’avantages mutuels concédés à tous indistinctement, avec la plus entière égalité.

4° Où réside la véritable idée mutualiste ? Est-ce dans le livret individuel, comme le croit M. Lépine, ou dans le fonds commun, comme le croient les solidaristes ?

5° La Mutualité doit-elle être exclusi-

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