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REVUE PÉDAGOGIQUE

cotisations des membres honoraires, « paralyse ou déprime les énergies, abaisse les caractères, obscurcit le sentiment de la dignité personnelle. Elle est inconciliable avec l’idée de prévoyance. le devoir de chacun étant de subvenir lui-mème à ses besoins par le travail et par l’épargne, au lieu de s’abandonner dans l’inertie et de se laisser choir plus ou moins à la charge d’autrui. De quelque vague et spécieux prétexte de solidarité qu’elle s’autorise, cette assistance est une véritable déchéance, acceptée et subie, recherchée même, hélas ! par les obligés pour qui cette aumône n’est point justifiée par un besoin réel et pressant » (p. 136). Et plus loin M. Lépine semble dire que ces assistés d’un nouveau genre deviennent « des non-valeurs, des déchets sociaux ! » (p. 137-138). « Le solidarisme à la mode, parce qu’il méconnaît la justice, ne réussit guère qu’à les séparer en classes ennemies, en attisant dans leur cœur l’égoïsme et l’envie » (p. 139).

Ceux qui ont quelque habitude de la mutualité, et qui ont vu de près son fonctionnement, auront quelque peine à reconnaître leur œuvre de « pacification sociale » dans ce tableau visiblement pessimiste, pour ne pas dire plus.

L’assistance publique, sous la forme de subventions, ne trouve pas grâce non plus devant les critiques de M. Lépine. Elle développe « chez les mutualistes l’esprit de mendicité légale ». Les subventions de l’État détournent de l’effort personnel, et « elles représentent un effort imposé aux autres citoyens », c’est-à-dire aux contribuables (p. 142). « La solidarité mutualiste ainsi comprise, en arrive à rejoindre, au point de ne plus s’en distinguer, le socialisme extrême… les mutualistes n’en sont pas encore là sans doute… mais ils y marchent. Leur cotisation moyenne décroît d’année en année, tandis que s’accroissent dans une proportion de plus en plus forte les sacrifices qu’ils obtiennent de l’État, et plus encore ceux qu’ils en attendent » (p. 153). M. Lepine conclut par ce mot de Bastiat (écrit vers 1849, à une époque où le socialisme de 1848 avait effrayé tant d’esprits) : « Nous ne faisons que systématiser la spoliation et nous nous dépouillons mutuellement au nom de la fraternité » (p. 154).