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LA MUTUALITÉ

certains utopistes. Et il en a tous les vices au point de vue moral, économique et social. Négation de la véritable Justice qui proportionne exactement la récompense de chacun à son effort utile, il tend à paralyser, à supprimer l’effort individuel de production et d’épargne. Il dépouille les sociétaires d’une partie de leur dû, afin d’enrichir… la société » (p. 124).

M. Lépine suit ici l’opinion des actuaires pour qui les Sociétés de Secours mutuels ne sont que des Sociétés d’assurances. En se plaçant à ce point de vue, M. Lépine a pu croire que « la création des fonds sociaux inaliénables (fonds commun) ne peut être obtenue qu’au détriment des participants actuels, puisqu’elle est due aux économies réalisées sur les ressources disponibles. Les sociétaires présents font ainsi, volontairement ou inconsciemment, œuvre de charité à l’égard des participants futurs » [Rapport de M. Lourties] (p. 132, note 1). C’est là qu’il faut chercher l’origine de cette idée, à laquelle M. Lépine a donné une expression outrée : « le fonds commun représente le produit du vol collectif ». Il énonce ainsi, probablement à son insu, la négation radicale de l’idée mutualiste.

L’idée mutualiste, quand on l’envisage de « sang-froid », ne ressemble en rien à ce portrait poussé au noir : elle nous invite simplement à entrer dans une association avec un apport personnel qui sera décuplé par l’association elle-même, et dont tous les associés, en principe, profiteront. Peu importe que l’associé retire plus ou moins que son apport. Il ne s’est pas seulement « assuré » ; il a voulu « aider » les autres, « coopérer » à une œuvre commune. Il donne quelque chose de lui-même sans espoir précis de retour.

C’est cette idée que M. Lépine a méconnue. On le voit clairement dans la dernière critique qu’il adresse au fonds commun. Il lui reproche de confondre l’assistance et la prévoyance. L’assistance y est tantôt privée : dons, legs, cotisations des membres honoraires ; tantôt publique : subventions départementales, communales, et surtout de l’État.

L’assistance privée, au dire de M. Lépine, sous la forme de