Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1904.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée
258
REVUE PÉDAGOGIQUE

premier incarne l’idée véritablement mutualiste, le second, l’idée d’épargne personnelle. Dans les deux il y a prévoyance, mais d’un côté la prévoyance est altruiste en même temps que personnelle ; dans l’autre elle est exclusivement égoïste, Et si les fondateurs de la mutualité scolaire veulent, tout en conservant le livret individuel, élargir la part du fonds commun, c’est afin de donner à l’idée mutualiste et altruiste le pas sur l’idée égoïste, la première ayant une valeur sociale et éducative infiniment supérieure à la seconde.

M. Lépine prétend au contraire — ce qui pourra paraître paradoxal — que l’idée mutualiste est « portée à son maximum » dans le livret individuel. Entraîné, — nous allions dire : égaré — par cette idée, il va même jusqu’à écrire ces mots qui dépassent évidemment sa pensée : « Par son caractère inaliénable, par l’immobilisation du capital, le fonds commun stérilise en partie les efforts individuels et partant l’effort commun. Il dépouille successivement tous les membres participants ; mais il attribue aux derniers, comme compensation égale ou supérieure, le revenu des dépouilles enlevées aux premiers. Le fonds commun représente, non le produit de l’effort collectif, mais le produit du vol collectif » (p. 119). La répartition des arrérages du fonds commun réalise « une grossière égalité de fait qui opprime, qui stérilise et qui tue en faisant peser sur tous le niveau uniforme proportionné à la taille des moins intelligents, des moins laborieux ou des moins économes ». Le livret individuel fait naître au contraire la « véritable égalité », exactement proportionnée à l’effort personnel, au versement individuel (p. 120). C’est à ce dernier que M. Lépine donne ses préférences.

Pour lui, le livret individuel est « l’instrument par excellence et absolument unique de la formation des retraites. Il a droit non seulement à la prééminence, mais à la préférence exclusive, par la supériorité qu’il présente sous tous les rapports : productivité et sécurité quant à l’importance des pensions éventuelles, simplicité technique, pouvoir de stimuler au maximum l’épargne personnelle, en lui assurant l’exacte rémunération que prescrit la justice » (p. 122).

« Le fonds commun, déclare enfin M. Lépine, est une forme de l’appropriation collective, du collectivisme, tant vanté par