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LA FORCE PHYSIQUE ET L’IDÉAL

[En octobre dernier, une Société de gymnastique de Lyon, la Française, célébrait sa fête annuelle. Cette solennité était présidée par le poète Jean Aicard, qui a prononcé à cette occasion un remarquable discours. Nous en reproduisons ici les principaux passages. — La Rédaction.]


Ce n’est pas sans quelque surprise que certains esprits, même parmi vous, verront un poète idéaliste présider la distribution des prix d’une société de gymnastique.

J’en suis peut-être le moins étonné. Je m’explique d’un mot : la gymnastique est le plus idéaliste des arts physiques.

 

Messieurs, vous qui êtes des gymnastes, vous faites, par les exercices physiques qui affermissent les muscles et apaisent les nerfs, de la santé morale, quelle que soit l’opinion qu’on ait sur la dualité de l’être humain.

L’hygiène est déjà une morale. Ne vous dit-on pas que l’envie est un des vices les plus troublants, les plus terribles du monde ? Le grand sociologue Proudhon n’a-t-il pas écrit qu’il est, par excellence, le vice des démocraties ? Eh bien, si la santé est le plus grand bien, le malade, le déformé, le souffreteux, ne sera-t-il pas le premier des envieux, et le plus légitimement envieux ? Le malheureux bossu, sauf ces nobles exceptions créées au prix d’efforts moraux que nul n’a mesurés, n’est-il pas réputé malin, facilement méchant ? La gymnastique atteint donc et supprime le principe de l’envie la plus naturelle, en développant avec harmonie le torse et les membres de l’homme équilibré.

Un tel homme porte un regard horizontal bien droit à la hauteur de ses égaux et facilement l’élève plus haut. Il a une fierté physique qui annonce déjà une noblesse morale, qui en est l’image, la marque et même le principe !

Voilà l’un des plus beaux résultats des efforts, des travaux aux quels vous vous livrez.

Et encore, n’est-ce pas une vérité banale de dire que les forts