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REVUE PÉDAGOGIQUE

sa place, selon ses aptitudes, son énergie et sa valeur Questions d’enseignement secondaire sont déjà posées là, et presque plus hardiment qu’il ne les traitera dans la suite, quand son camarade Frary, dépassant le but par sa Question du latin, l’aura alarmé sur l’avenir des vieilles études classiques, dont il voulait la réforme, mais non la mort. Mais le point essentiel, pour lui, c’était dès lors, ce fut toujours, que l’éducation nationale fût une, du haut en bas, non coupée en deux par un fossé ; que l’enfant du peuple ne fût pas voué a priori à un minimum d’instruction sans nulle vertu éducative, pendant qu’un petit nombre de privilégiés, seuls destinés à s’instruire vraiment et à s’élever, aborderaient trop tôt comme à dessein et feraient durer com me à plaisir, sans fruit proportionné, une culture inutilement archaïque. L’enseignement secondaire, relié avant tout à l’enseignement primaire de manière à lui faire suite, devait être vivifié dans ses méthodes quant à sa partie traditionnelle, et diversifié d’autre part, rajeuni pour mieux répondre aux besoins que la culture gréco-latine laisse en souffrance. Mais surtout il fallait que l’affranchissement intellectuel des petits fût une réalité, que la véritable égalité fût fondée, autant qu’elle est de ce monde, que, sous la blouse et sous l’habit, l’homme intérieur fût le même autant que possible, que tous les Français enfin eussent une même âme.

C’est parce que telle était la philosophie politique de Bigot et tel son patriotisme, que le Petit Français est son chef-d’œuvre. Ce critique était au fond une nature religieuse. J’étonnerai peut-être quelqu’un en le disant, mais je ne dirais pas toute ma pensée si je ne disais qu’il a cru à l’honneur, au bien, à la patrie surtout, d’une foi proprement religieuse. « Le péril de la civilisation, c’est l’effacement de l’idée de patrie… Il faut aimer la patrie avant l’humanité, plus que l’humanité… surtout quand cette patrie est la France. » Resserrer, fortifier la solidarité de tous les enfants de la France, ce fut son inspiration dominante. Le 14 juillet 1882, jour de la Fête nationale, elle s’empara de lui pour ainsi dire, et il commença à écrire dans un moment de véritable enthousiasme ce petit livre destiné à expliquer aux petits Français ce que c’est que la patrie, ce que c’est que leur patrie, la France. Depuis la dédicace : A la mémoire de tous les Français morts pour la patrie