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CHARLES BIGOT

les difficultés sociales. Ce livre non plus n’a pas vieilli autant que Bigot l’eût souhaité. S’il a sans doute pour sa part « hâté la venue du jour où il pourra être oublié sans inconvénient, ayant cessé d’être utile », ce jour, hélas ! n’est pas encore venu. Les chapitres sur « les résistances des mœurs » et sur « les préjugés sociaux » sont-ils moins actuels aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a quinze ans ? Le « Programme de la République », tracé dans le beau chapitre final, devrait toujours être présent à tous les esprits. Constituer la démocratie et refaire l’âme de la France, telle est la mission de la République. Après avoir dit clairement, et dans une langue excellente, ce qu’il faut faire pour cela, Bigot se représente, rayonnant enfin sur la France, la démocratie telle qu’il la conçoit. « Je vois dans un prochain avenir non plus une minorité seulement en possession de l’instruction et de la fortune, mais une race tout entière s’épanouissant fière et libre, développant son génie sous toutes les formes… Quel grand et magnifique spectacle ! Quel peuple pourrait montrer avec orgueil une telle pléiade de savants, de philosophes, de poètes, d’artistes ? Quel pays serait plus prospère et plus riche… offrirait au monde la vue d’institutions plus nobles, d’un ordre social plus juste ? Quel pays serait plus grand dans l’histoire ? Où la dignité humaine serait-elle plus haute ? Où ferait-il meilleur vivre ? Et quelle patrie aussi mériterait d’être plus aimée de ses enfants ? Avec quelle joie travailleraient-ils à l’illustrer ? Avec quelle ardeur seraient-ils prêts à la défendre, à verser leur sang pour elle ?… Je cherche, et je ne trouve qu’un orateur capable d’exprimer dignement un tel patriotisme : Périclès prononçant le panégyrique d’Athènes sur la tombe des soldats morts pour la patrie. »

Dans ce même « Programme » se trouvent des pages qui sont peut-être les meilleures que Bigot ait écrites, et certainement les meilleures qu’on puisse écrire sur le rôle de l’école dans une démocratie. Il y esquissait des réformes qui, pour la plupart, ont été faites depuis. Il marquait surtout le but avec une rare ampleur de vue, indiquant à larges traits, de la salle d’asile à l’Université, la hiérarchie des institutions par lesquelles notre société devait mettre en valeur toutes ses ressources, susciter de son sein « tous les talents, toutes les nobles ambitions, toutes les bonnes volontés vaillantes », et de plus en plus « mettre chacun à