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REVUE PÉDAGOGIQUE

que tout le monde a pris confiance en ses destinées, même les anciens prophètes de malheur : beaucoup ne demandent plus qu’à lui offrir leurs services, depuis qu’ils ont vu qu’elle s’en passait. Gardons-nous cependant de nous faire illusion et de nous croire au bout de nos peines. En mettant tout au mieux, si rapidement que le pays arrive à recueillir tous les fruits de ce qu’il a fait en vue de sa propre éducation, des générations seront nécessaires avant qu’il ait réparé les pertes qu’il a subies par l’abdication presque totale des classes jusque-là en possession de la fortune, de l’élégance et du crédit. Que dis-je, abdication ? Nos anciennes classes dirigeantes n’ont pas seulement refusé de conduire le mouvement, elles ont tout fait pour le refouler ; de sorte que ce n’est pas sans elles seulement que la démocratie a dû s’organiser, c’est contre elles. C’est merveille, dans ces conditions, qu’elle ait si bien trouvé sa voie, et si sagement gardé la mesure. Elle l’a dû à l’élite de ses enfants, parmi lesquels Bigot fut des meilleurs. Une culture supérieure les rendait autrement prêts pour cette fonction directrice que ceux qui prétendaient l’exercer contre la volonté de la France, par droit d’héritage ou par droit divin. Mais un des grands services que le livre de Bigot rendit fut précisément d’analyser la situation avec une netteté de coup d’œil et une franchise absolue, en montrant ce qu’elle avait de hasardeux pour notre pays au milieu de l’Europe hostile. L’avertissement n’a pas été perdu, car on peut croire qu’il a contribué à faire réfléchir tels membres des anciens partis qui ont rallié enfin le drapeau. Il n’en garde pas moins sa valeur, non historique seulement, mais pratique : il vaudra aussi longtemps que la nation entière n’aura pas fini l’apprentissage de la responsabilité, acquis le discernement et recouvré le respect des vraies supériorités ; aussi longtemps, à vrai dire, qu’elle ne pourra pas sans danger être divisée contre elle-même.

La Fin de l’Anarchie, encore plus, est avant tout une page d’histoire. C’est le résumé des luttes politiques de 1871 à 1878. On n’a rien écrit de mieux à la louange de Thiers et de Gambetta. L’auteur adjure les honnêtes gens encore défiants à l’égard de la République de venir à elle comme au seul gouvernement en harmonie avec les vœux et les besoins de la nation, au seul capable désormais de faire régner la paix publique et d’aplanir