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REVUE PÉDAGOGIQUE

même lorsqu’elle est aussi simple et aussi avantageuse. Les meilleures raisons n’y réussiraient jamais, si les faits ne nous venaient en aide.

On constate, en visitant les écoles, de nombreuses lacunes dans l’instruction des enfants des cours moyen et supérieur, et ce sont les notions les plus élémentaires, les plus usuelles, qui sont les plus ignorées. Ce qu’il faut attribuer, disent les maîtres, aux absences trop multipliées. Tel n’est pas mon avis. J’ai essayé de remédier à cet état de choses en organisant partout des leçons communes à plusieurs cours et même à toute la classe, s’il y a lieu, dans lesquelles le maître passerait en revue fréquemment pour chaque matière les notions usuelles qui sont à la portée de toutes les intelligences, et qui ne devraient jamais sortir de la mémoire des enfants. Tantôt, par des récits ou des lectures, le maître éveillerait dans l’âme de ses élèves les sentiments de justice, de commisération, d’amour du prochain, etc. ; tantôt il leur expliquerait le sens des principaux actes de la vie civile. En histoire, il montrerait à toute la classe vingt ou trente des principales figures de chaque époque : chefs ou conducteurs des peuples, bienfaiteurs de l’humanité, initiateurs, inventeurs, écrivains de génie, homme de guerre, etc. En géographie, il n’est pas un petit enfant, même illettré, qui ne soit capable de se familiariser avec les cartes, d’y reconnaître les mers et les continents, de retenir le nom des pays et des peuples, de quelques-unes des productions particulières à chaque région, etc. Très rapidement et sans efforts, le maître enseigne ainsi à ses élèves devant la carte, sans le secours d’aucun livre, tout ce qu’ils peuvent comprendre et retenir, tout ce qu’il leur importe de connaître. Dans une petite école de la montagne, à Pierlas, un enfant de neuf ans, lisant à peine, a su me montrer sur la mappemonde à peu près tous les pays d’où l’on tire le café. A Thiéry, autre localité tout aussi reculée, deux enfants de sept à huit ans connaissaient les principaux bassins houillers de France et savaient qu’on tire de la houille le gaz d’éclairage, etc.

Cette question des leçons communes sur les connaissances usuelles a fait l’objet d’une conférence en 1890. Il sera nécessaire d’y revenir encore : les maîtres ne se laissent pas facilement convaincre, dès qu’il s’agit d’une pratique qui leur est étrangère…

Depuis bientôt cinq ans, grâce au crédit voté par le Conseil général pour achat de livres destinés aux bibliothèques scolaires, j’ai pu doter toutes les écoles de la circonscription de l’Histoire de France en cent tableaux par Lehugeur. L’ouvrage n’est pas irréprochable, mais il est unique en son genre. Il permet de faire participer à la leçon les plus jeunes enfants, qu’un récit ne suffirait pas à intéresser. L’image fait de chaque personnage un être réel, vivant, dont la physionomie, l’attitude, les vêtements, les armes renseignent mieux que la page la mieux écrite. Désormais on n’attendra plus, pour entretenir les élèves de l’histoire de leur pays, qu’ils aient douze ans et soient en état