Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1892.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée
116
REVUE PÉDAGOGIQUE

ver un petit nombre de celles-ci, jusqu’à sept ou huit ans, dans les écoles enfantines.

En attendant, les musulmans n’arrivent pas à comprendre pourquoi nous nous préoccupons si fort d’instruire des créatures d’ordre inférieur ; et ils préfèrent les garder chez eux, en vue de leurs trafics matrimoniaux.

À Michelet, il y a peu d’années, il s’est produit un fait bien curieux. L’Administrateur d’alors, voulant en avoir le cour net, réunit dans son école vingt-cinq petites Kabyles. On avait séduit les pères de famille en leur donnant à tous des places de canton nier sur les chemins de la commune. Vingt-cinq cantonniers, vingt-cinq écolières.

Puis le service des chemins passa aux Ponts et Chaussées et ces emplois furent supprimés. Du coup l’école se vida.

Quand je l’ai visitée, en novembre 1890, parmi les élèves européennes qui avaient pris la place des indigènes il ne restait plus qu’une seule musulmane, gentille fillette d’une douzaine d’années, Mlle Hadida.

Elle m’expliqua les motifs de sa persévérance : d’abord, elle travaillait pour conquérir le certificat d’études et un emploi de monitrice ; ensuite elle espérait que l’Administrateur, touché de sa constance, accorderait à son beau-père un poste de garde champêtre.

Mais alors les écoles de filles en pays musulman seraient non seulement inutiles, mais nuisibles ?

Non ! car si jeunes que ces fillettes quittent l’école, elles en emportent quelque chose : un certain goût de la France et des choses françaises. Elles l’inculqueront à leurs enfants, et il grandira dans la montagne une génération de petits hommes qui ne se feront point tirer l’oreille pour venir à l’école et qui sauront d’avance un peu de ce qu’on y enseigne.

Non ! car la fillette, dressée dans ces écoles qui sont des ouvroirs, rapportera sous le toit paternel ou marital des goûts d’ordre et de propreté, des perfectionnements de cuisine ou de vêtement, qui sont un des éléments de notre civilisation.

Et puis l’éducation française, même primaire, même élémentaire, sème partout des germes, ténus et invisibles, tenaces pour tant, d’amélioration morale et d’affranchissement.