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NÉCROLOGIE

fiance du Parlement et pour accomplir dans sa plénitude la délégation laborieuse et parfois inquiétante qui lui a été confiée par le pouvoir législatif.

C’est au sortir d’une de ces séances où coup sur coup avaient été abordés, discutés et élucidés à grand’peine les points les plus ardus de la nouvelle réglementation que notre président se sentit atteint. Il voulut résister quand même, et de son lit il envoyait encore à la section des notes et des indications, pour qu’en son absence qu’il prétendait abréger les délibérations ne fussent pas interrompues. On lui obéit ; sans prévoir qu’on se verrait contraint le moment d’après de chercher, sans lui, des solutions qu’il avait préparées, et qui devaient éclairer et abréger notre travail. Nous sommes dans le vrai le plus sincère en affirmant que M. Collet est mort à la tâche.

Pendant les dix années qu’il a passées au Conseil, M. le président Collet a, du reste, témoigné en toute occasion de sa sollicitude pour les questions scolaires, et sous les formes les plus diverses et les plus inattendues ces questions se représentaient tous les jours. Nous nous bornerons à mentionner un fait connu : le Musée pédagogique a publié dans son fascicule 27, en tête du décret du 7 avril 1887 qui détermine les règles de création et d’installation des écoles primaires publiques, un lumineux rapport rédigé par M. Collet pour servir d’exposé des motifs au projet de décret et qui en est le précieux commentaire.

S’il nous était permis de parler ici des sentiments du Conseil d’État, nous dirions avec une entière assurance que la mort de M. Collet a été pour tous ses collègues une affliction profonde. Tous, en effet, nous avions été à même d’apprécier, avec les ressources de cette intelligence toujours en éveil, de cette expérience qui s’étendait sans effort à toute chose, l’égalité d’humeur qui rend les relations faciles, l’intégrité du caractère qui donne aux avis et aux arrêts leurs pleine autorité. Mais notre insistance serait à cet endroit une maladresse, car nous pouvons résumer nos souvenirs et notre chagrin en empruntant au discours ému que M. Laferrière, vice-président du Conseil d’État, prononçait sur la tombe de M. Collet, ces quelques lignes qui sont l’appréciation la plus pénétrante d’une carrière interrompue à l’heure de son activité la plus féconde :

« Paul Collet arrivait à l’âge d’homme à l’époque où les libertés publiques venaient de succomber, où le barreau devenait un des derniers asiles des esprits libres et voués au culte du droit. Il se fit inscrire en 1852 au barreau de la Cour d’appel de Paris ; il y acquit de bonne heure la science du droit, la pratique des affaires et cette dextérité particulière dans le maniement des difficultés juridiques, qui était un des traits caractéristiques de son talent.

» Neuf ans après, en 1861, il entra au barreau du Conseil d’État