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NÉCROLOGIE

pasteur d’un village voisin de Sainte-Foy, le Fleix, connu, si je ne me trompe, dans l’histoire des guerres civiles du XVIe siècle par le traité du même nom. Ses fonctions, auxquelles il s’appliqua toujours avec le soin consciencieux qu’il mettait en tout, ne le détournèrent pas de l’étude : c’est durant cette période de sa vie qu’il fit l’ample approvisionnement de lectures et de réflexions où il puisa plus tard sans compter. Tout en prêchant et en visitant ses malades, il traduisit de l’allemand deux ouvrages considérables, l’Histoire de l’Église de Gieseler, et la Vie de Jésus de Neander, professeur à l’Université de Berlin, en réponse à la Vie de Jésus du Dr Strauss. Les vues originales, mais flottantes, exposées par Neander n’étaient guère faites pour captiver le public français : cette publication préparait du moins la voie au mouvement de recherches sur les origines du christianisme que l’École de Strasbourg, et plus tard M. Renan, devaient inaugurer en France.

M. Goy composa en outre des travaux importants sur Schleiermacher, sur le principe du catholicisme, et en général sur toutes les questions qui occupaient alors les esprits au sein du protestantisme français.

Il se démit de ses fonctions vers 1860 pour devenir professeur de lettres au collège de Sainte-Foy et en même temps professeur principal au cours supérieur d’un pensionnat de jeunes filles, sorte de cours normal qui préparait les élèves au brevet élémentaire, et, chose assez rare en ce temps, au brevet supérieur. C’est là que s’est écoulée la plus grande partie de sa vie. L’enseignement, lettres ou sciences, était sa véritable vocation ; mais cet enseignement, par la direction à la fois simple et profonde qu’il ne pouvait se défendre de lui imprimer, devenait entre ses mains de l’éducation. Sans sortir de sa sphère de simple professeur, sans jamais laisser dévier la leçon vers la morale, il mettait dans son enseignement ces qualités de droiture et de probité rigoureuse, cet amour du vrai, qui touchent à l’âme non moins qu’à l’intelligence, qui sont l’âme elle-même présidant à la vie de l’intelligence. Une autre qualité distinguait sa pédagogie : c’était le respect sincère de la liberté et de l’âme individuelle. Dans ses inter rogations, et surtout dans les compositions littéraires ou morales qu’il donnait à faire et qu’il corrigeait ensuite avec soin, il s’attachait sur tout à provoquer l’initiative, à faire éclore la pensée et le sentiment personnels. Aussi peu d’orthodoxie ni d’infaillibilité dans sa pédagogie que dans sa religion : il n’attendait pas plus la santé intellectuelle d’un credo parfait et bien récité de littérature, d’histoire, de physique, que la santé morale et le salut d’un credo ecclésiastique ou philosophique. C’est avec les choses elles-mêmes, choses de l’âme, de la société, de l’histoire, de la nature qu’il voulait mettre l’esprit de ses élèves en contact ; et c’est à rendre ce contact le plus immédiat, le plus intime possible, qu’il employait son temps, sa peine, sa connaissance de l’anglais et de l’allemand, faisant venir de loin des ouvrages coûteux,