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DISCOURS DE M. GRÉARD À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Falloux, s’écriait M. Cousin à la fin d’un de ces entretiens où il n’avait pu le mettre en défaut, c’est la cause, la cause, la cause. »

Tel était l’homme que les événements allaient porter aux affaires. Son talent et son courage y avaient marqué sa place ; d’anciennes et fortuites relations l’aidèrent à la prendre. Il avait fait ses études au collège Bourbon avec Auguste de Morny, « un intelligent et très aimable paresseux ». Durant ses pérégrinations à travers l’Europe, il s’était deux fois rencontré avec M. de Persigny, qui avait demandé à le voir : la première fois, à Londres, pour lui emprunter de l’argent ; la seconde fois, à Strasbourg, pour l’enrôler dans l’expédition qu’il préparait. Le sentiment d’une égale confiance dans l’avenir de leur drapeau les avait intéressés l’un à l’autre. « Nous étions faits pour nous entendre, disait en plaisantant M. de Falloux ; car vous êtes un Vendéen à votre façon. Vos yeux s’ouvriront, répliquait solennellement M. de Persigny : le prince Napoléon règnera et vous ferez partie de son premier ministère. — Alors promettez-moi que vous me donnerez mon portefeuille. – Eh bien ! vous l’aurez. » Le 20 décembre 1848, la parole donnée en 1835 était acquittée. En entrant au ministère de l’instruction publique et des cultes, M. de Falloux trouvait sur son bureau le portefeuille en maroquin rouge que M. de Persigny lui avait promis. « Malheureux, dira-t-il plus tard, bien malheureux est le pays où deux jeunes gens de vingt-cinq ans, échangeant une telle gageure le sourire aux lèvres, peuvent finir par se prendre au mot, où une telle aventure ne reste pas dans le domaine du roman ! » Quoi qu’il en soit, après quelque hésitation, il décida de s’associer à un gouvernement dans lequel, ne croyant pas à la restauration de l’Empire, il voyait un commencement de retour à la légitimité.

Il n’avais mis à son acceptation qu’une condition, mais une condition expresse : la présentation d’une loi sur l’enseignement. Moins de quinze jours après, la commission chargée d’en établir les bases était nommée ; l’année suivante, l’ouvre était accomplie. Elle est connue aujourd’hui — c’est M. de Falloux qui parle — sous le nom de loi du 15 mars 1850 pour ceux qui veulent en dire du bien, sous le nom de loi Falloux pour ceux qui veulent en dire du mal. Définition piquante et faite pour nous embarrasser, s’il était vrai qu’il fût impossible de concilier le respect des droits de la liberté avec le souci des devoirs et de la dignité de l’État.