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REVUE PÉDAGOGIQUE

matières qui ne se rapportent pas assez directement au but que ces établissements doivent poursuivre, qu’on donne par là aux instituteurs une demi-culture, une science creuse, qui les porte à la vanité, à la dispersion intellectuelle, qui leur donne des prétentions excessives pour leur toilette, leur logement, leur traitement, que d’autre part on accable et on fatigue les enfants d’une foule de connaissances inutiles, qu’ils se hâtent d’oublier quelques années, quelques mois même après avoir quitté l’école.

» Je connais ces plaintes ; je sais qu’on les entend surtout proférer dans les cercles de la noblesse, où l’on s’exprime souvent à cet égard en termes rudes et peu flatteurs pour l’administration scolaire.

» Je me souviens d’une visite que je fis en compagnie du surintendant et de l’inspecteur du district à un très gros personnage, M. Y. Après les compliments d’usage, M. Y. se lança immédiatement dans les plus violentes invectives contre le gouvernement et les mesures tendant à élever le traitement des instituteurs ; il manifesta aussi son vif mécontentement des efforts actuellement tentés pour élever le niveau de l’enseignement populaire. « Je ne vous cacherai pas, Monsieur le conseiller, » dit-il, « que je suis loin d’être partisan de cette éducation « moderne » ; savoir un peu lire, écrire et calculer, et surtout beaucoup de religion, voilà qui suffit amplement aux besoins de notre peuple. En bornant ainsi sagement ce programme des écoles, on rendrait un éminent service aux parents, aux enfants, au point de vue moral et économique, et l’on épargnerait aux communes des dépenses auxquelles elles ne pourront bientôt plus suffire. »

» Je répondis qu’il était certainement désirable de limiter sagement les matières de l’enseignement populaire et que l’administration regardait cette tâche comme importante, que c’était sans doute déjà beaucoup de savoir lire, écrire et calculer, et qu’il fallait souvent s’estimer heureux quand ce résultat était atteint, La tendance moderne à répandre la culture dans les couches les plus profondes de la population peut avoir ses dangers ; mais nous n’y pouvons rien changer. L’État prussien est fondé tout entier sur le développement de la culture individuelle de chaque homme du peuple, et on ne peut revenir en arrière.

» — C’est là la question », répliqua mon interlocuteur, « et j’espère que l’on reviendra bientôt, et de soi-même, sur cette tendance « moderne » de l’enseignement populaire.

» — Je ne le crois pas », répondis-je. « Je date cette tendance « moderne de 1763, du règlement scolaire général. Frédéric le Grand et son père sont les fondateurs de l’école prussienne et de l’ère moderne de la culture du peuple. On peut, sans doute, imaginer d’autres bases de la société, et nous en voyons la preuve dans les pays catholiques. Mais nous sommes ici dans les souliers de Frédéric le Grand, et nous n’avons qu’à marcher en avant sans en sortir. Les vrais coupables sont Frédéric-Guillaume Ier et Fréderic le Grand, et non le ministre Falk. »